En français, le mot “voix” est fortement associé à l’être humain. Il fait référence en effet à tout ce qui concerne de près ou de loin à nos cordes vocales : le timbre (“une voix grave”), le chanteur/animateur radio (= “une des plus belles voix”), la parole de quelqu’un (“une voix au fond au de la salle”)… Puis par extension, la voix désigne aussi l’opinion (“la voix du peuple/trois voix contre cinq”) et ce que nous ressentons en nous-mêmes (“la voix de la conscience”). Pour traduire ce mot, on utilise le plus souvent 声 (koe) en japonais. En quoi ce dernier se distingue-t-il ?
Sens propre du mot koe
Le terme koe fait partie du lexique du Yamato kotoba (langue indigène japonaise) et on le retrouve donc logiquement dans les premiers écrits du VIIIe siècle. C’est-à-dire le Nihon Shoki (720) ou bien le Kojiki (712), sans oublier le Man’yōshū. Dès cette époque, c’est le kanji 声 qui lui a été attribué. Lorsqu’on s’intéresse à son origine, on trouve alors l’ancienne forme 聲. Selon le dictionnaire Shinkangorin, la partie du haut 殸 désignerait le son aigu d’un ancien instrument chinois en pierre que l’on entend avec 耳 (oreille).
Si je mets en avant cet aspect, c’est pour insister que notre mot du jour n’a dès le départ pas vraiment de lien étroit avec la voix humaine. C’est pourquoi dans les écrits que j’ai cités précédemment, il désigne indifféremment le cri/chant des animaux et les sons humains. La plupart des dictionnaires japonais donnent ainsi comme définition pour 声 (koe) “人や動物が発音器官を使って出す音” (hito ya dôbutsu ga hatsuon kikan wo tsukatte dasu oto). Traduction : sons émis par les organes vocaux des humains ou des animaux. Je précise au passage que les sons de certains insectes comme les cigales (蝉 semi) étaient inclus.
Le Nihon Kokugo daijiten ajoute aussi le son produit par les instruments toujours durant le VIIIe siècle (flûte, koto…) et ça parait logique quand on connaît la signification première du kanji 声. Bien sûr, si on veut gagner en précision, on peut utiliser des expressions plus précises comme 鳴き声 (nakigoe) pour évoquer uniquement les cris des animaux. Mais c’est loin d’être obligatoire et une expression comme 美しい声 (utsukushii koe) peut aussi bien être traduite par “une voix magnifique” que par “le chant mélodieux (d’un oiseau)” en 2025. Vous voilà prévenu !

Expressions usuelles avec koe
Koe a bien sûr évolué en quelques siècles et il est désormais rare par exemple qu’il désigne le son des instruments de musique. Par contre, le sens figuré “opinion” a fait son entrée durant le XXe siècle avec notamment l’expression 声が高まる (koe ga takamaru “s’élever (des voix)”). 大臣の辞任を要求する声が高まった (daijin no jinin wo yôkyû suru koe ga takamatta). “Des voix se sont élevées pour demander la démission du ministre”. NB : cela n’a rien à voir avec l’actualité, ne te sens pas visé Bayrou, je n’ai même pas parlé de Premier ministre ! (;☉_☉)
On peut aussi utiliser 声 pour la fameuse voix de la conscience : 良心の声 (ryôshin no koe). Mais l’expression que l’on entend le plus au quotidien, c’est sans doute 声をかける (koe wo kakeru). On peut la traduire par “adresser la parole/appeler”. 手伝いが必要なら声をかけてください (tetsudai ga hitsuyô nara koe wo kakete kudasai) : “si vous avez besoin d’aide, faites-moi signe”.
Retenez-la donc bien avec sa variante 声を掛けられる (koe wo kakerareru) “se faire appeler/adresser la parole”. 声を掛けられてビビった (koe wo kakerarete bibitta) : “On m’a adressé la parole et ça m’a fait sursauter”.