Selon le Larousse, le poison peut se définir comme une “substance qui, introduite dans l’organisme à dose suffisante, détruit ou altère les fonctions vitales”. Il est synonyme du mot venin qui lui possède un sens plus étroit vu qu’on l’emploie spécifiquement pour le liquide toxique que secrète les plantes ou les animaux. Mais dans les deux cas, ils contiennent le sens abstrait “malveillant/malfaisant” (paroles…). En quoi peut-on rapprocher ces deux termes du japonais doku (毒) ?
Étymologie du mot doku et significations
Doku s’écrit avec le kanji 毒 et il existe différentes hypothèses quant à sa formation. Je vais citer celle qui est la plus conventionnelle et qui parle le plus selon moi. Selon elle, il s’agirait grosso modo de la fusion de deux kanjis. Le premier est le suivant qui n’est plus employé aujourd’hui :
La partie du haut 士 signifierait ici “un homme admirable” et celle du bas 毋 “ne pas/non”. Ainsi, ce kanji serait à interpréter comme “un homme non admirable/obscène”. On aurait ensuite ajouté l’idéogramme 屮 signifiant “herbe” (kusa 草) pour donner 毒. L’interprétation finale serait ainsi “herbe nocive/malfaisante”.
Quoi qu’il en soit, les dictionnaires japonais indiquent aujourd’hui pour doku la même définition que le mot poison en sens premier. Doku wo nomu (毒を飲む) : absorber/ingérer du poison. Il semble par contre qu’en japonais, il n’existe pas dans le langage courant un terme spécifique pour venin qui se traduit aussi par doku. Hebi no doku (蛇の毒) : le venin du serpent. Là où c’est intéressant, c’est qu’on retrouve également le sens abstrait “malfaisant/qui n’est pas bénéfique“.

Difficile de dire s’il y a eu une influence avec l’Occident ou si cette signification s’est imposée d’elle même. Wakamono ni ha doku to naru zasshi (若者には毒となる雑誌) : un magazine néfaste pour les jeunes (litt : “qui devient du poison”). A noter qu’il existe aussi en japonais l’expression “langue de vipère” (dokuzetsu 毒舌) pour décrire les gens médisants. Par ailleurs, j’aurais voulu aborder ici la formule ki no doku (気の毒) signifiant selon le contexte “navré” ou encore “pitoyable”. Mais je pense qu’elle mérite un article à elle toute seule. On verra donc ça le mois prochain ! 🙂
Sources : kanjibunka (formation du kanji), kotobank (dictionnaires japonais)
7 réponses
Doku, c’est aussi le nom du comte sith dans l’episode 2 de star wars ! C’est grâce à ça que j’ai retenu le mot… :p
Je ne savais pas du tout ne connaissant pas trop la série… ^^
Très intéressant ! J’attends d’en savoir plus sur la formule “ki no doku” dont vous nous avez donné un aperçu 🙂 (En passant, on préférera en général employer “vénéneux” plutôt que “venimeux” pour désigner un végétal produisant du poison.)
Vous avez raison concernant “vénéneux”, moi je l’ai longtemps réservé aux champignons mais il s’emploie pour les plantes en général en effet. Du coup, j’ai changé la description de la photo en mettant “toxique”. :p
Utilise t on ce mot pour toutes les “mauvaises herbes”, ou seulement pour celles qui sont toxiques ?
On n a pas encore eu ki no Doku
Tiens, j’avais complètement oublié l’article sur Ki No Doku. Et bien j’en parlerai demain, merci du rappel ! 😀
Sinon pour les mauvaises herbes, on n’utilise pas doku en principe. On emploie un terme plus neutre qui est zassô (雑草).
Littéralement, cela veut dire “herbes diverses”. C’est le 雑 que j’avais décrit dans 雑誌 (zasshi, le magazine).
Donc en gros, ce sont des herbes qu’on a pas trop pris la peine de classer et qu’on range dans la catégorie “divers” car cela comprend plusieurs variétés j’imagine.
Bon après, bien que le terme soit plus neutre que le français “mauvaises herbes”, les agriculteurs japonais qui utilisent des pesticides les voient aussi comme intrusives/indésirables. Enfin ça, c’est quand on est dépendant des pesticides mais je ne vous apprends rien j’imagine.
J’ai lu à ce sujet un livre en japonais sur l’histoire d’un agriculteur japonais qui cultive des pommes sans pesticide, Akinori Kimura. Et il explique justement que les mauvaises herbes ont un rôle très important, notamment pour l’oxygénation de la terre (si je ne dis pas de bêtise). Et que si on veut se passer des pesticides, il vaut mieux les laisser pousser. Si le sujet vous intéresse, j’ai trouvé un article en français qui en parle : http://www.changeursdemonde.net/Akinori-Kimura. Il y a même une version française de son livre “Les pommes miracles”, c’est indiqué dans l’article. Je vous recommande de le lire du coup ! ^^.
Désolé pour la disgression. :S
Le voilà commandé, je connaissais Min Ho Choi et sa vision sympathique du jardinage pour débutant, mais pas le Pierre Rhabi japonais, merci pour la découverte !