En français, le mot cuisine est polysémique puisqu’il désigne d’une part un art (l’élaboration de mets) mais également un lieu. Ceci n’est pas vraiment un hasard puisque généralement, c’est dans la cuisine qu’on fait la cuisine pardi ! Aujourd’hui, il sera ainsi question du lieu avec le japonais daidokoro (台所). Après une mise au point sur l’étymologie et la définition de ce terme, on va s’intéresser à une spécificité de la cuisine japonaise moderne.
Étymologie du mot daidokoro et particularité japonaises
Daidokoro s’écrit habituellement en kanji 台所. Comme 台 signifie “socle/table” et 所 “lieu/endroit”, cela donne littéralement “lieu avec une table”. Si cela ne vous parle pas vraiment, c’est normal ! En fait, l’hypothèse la plus crédible est que daidokoro serait la contraction de daibandokoro (台盤所). En effet, le daiban (台盤) correspondait autour du 10ème siècle à une table basse à quatre pieds sur laquelle on disposait la nourriture dans les maisons de noble. Ainsi, on a nommé le lieu où se trouvait ces tables daibandokoro. Cependant, comme le kanji 台 contient déjà le sens de “table”, cela a fini par devenir daidokoro.
Etant donné que la pièce où on mangeait était aussi souvent celle où on préparait la cuisine, daidokoro signifiait les deux à la fois. C’est à dire cuisine/salle à manger. Aujourd’hui, on se rapproche davantage du sens de “cuisine” que l’on désignait aussi encore récemment par katte. Par ailleurs, comme la nourriture correspond à une grande partie des dépenses du foyer, daidokoro a également pris le sens de “trésorerie/dépenses”. C’est pourquoi l’expression kaisha no daidokoro (会社の台所) signifie “la trésorerie/les finances de l’entreprise”. Et non sa cuisine ! 😀
Autre chose : puisque les cuisines japonaises modernes sont typées occidentales, on leur réserve plutôt le terme kicchin (キッチン de l’anglais kitchen). D’ailleurs, un appartement “2K” signifie en japonais deux pièces + kicchin et correspond en gros à un T2/F2. Si vous êtes observateur, vous aurez remarqué qu’à Tokyo, la position de l’évier est très souvent au milieu. Selon le livre Les Japonais de Karyn Poupée, ce n’est pas un hasard. Ce serait en effet le résultat de nombreuses expérimentations arrivant à la conclusion que c’est en plaçant le levier au milieu qu’on est le plus efficace. 😀
Sources : Gogen-Allguide (étymologie), livre Les Japonais (Chapitre II “1955-1973 La Haute Croissance”)