Le japonais dans tous les sens

Tana (棚) : l’étagère et la partie supérieure du rayon

Lorsqu’on me parle d’une étagère, je pense automatiquement à un meuble (souvent en bois) formé d’un ensemble de planches superposées. Du coup, la proposition “les étagères d’une bibliothèque” évoque chez moi différentes étagères présentes dans un même lieu (la bibliothèque). Toutefois, il semble qu’étymologiquement, “étagère” désignait directement la planche fixée horizontalement. Et comme “bibliothèque” fait aussi référence à un meuble en bois (étagère à livres), notre proposition peut être interprétée totalement différemment.

Existe-t-il également en japonais cette même ambiguïté où 棚 (tana) pourrait désigner à la fois la planche fixée horizontalement et le meuble ? C’est ce que nous allons découvrir ici ! 🙂

Origine du mot tana et usage de nos jours

Tana s’écrit le plus souvent aujourd’hui avec le kanji 棚 où on reconnait la clé du bois 木 sur la gauche. La partie de droite 朋 donnerait la lecture on ほう même si elle n’est quasiment plus utilisée aujourd’hui. D’après le Nihon kokugo daijiten, notre mot du jour renvoyait au départ à un support horizontal installé devant un autel sur lequel on plaçait des objets de rituel ou des couverts (vers 810). Puis assez rapidement, tana aurait fini par désigner un ou des tablette(s) fixée(s) horizontalement afin de pouvoir poser divers objets.

Ainsi, il existe également cette même ambiguïté en japonais où tana peut désigner une planche horizontale en particulier ou un ensemble de planches horizontales formant un meuble. 本棚の中の棚 (hondana no naka no tana) = les étagères situées dans la bibliothèque. Encore heureux qu’en japonais, bibliothèque dans le sens “étagère à livres” se dit 本棚 (hondana). Pour le lieu, on emploie 図書館 (toshokan) et je vous laisse donc deviner le sens de 図書館の本棚. Toujours dans ce sens de “tablette/planche”, l’expression 棚が足りない (tana ga tarinai) renvoie en premier lieu au fait qu’il manque d’étages (= planches) dans un meuble (armoire par exemple). Pour éviter toute confusion, il arrive aussi qu’on emploie 棚板 (tanaita = planche(s) de l’étagère).

Autrement, il se peut que vous tombiez sur le synonyme plus récent ラック (rakku de l’anglais rack). La principale différence est que ce dernier ne désigne que le meuble (de plusieurs étages) et que les supports ne sont pas forcément horizontaux. C’est le cas par exemple du support de magazines qui se dit マガジンラック (magajin rakku) ou du porte-assiettes 水切りラック (mizugiri rakku lit. “étagère de séchage”).

L’expression “tana ni ageru”

Littéralement, 棚に上げる (tana ni ageru) signifie “placer quelque chose vers les hauteurs d’une étagère”. Difficile d’y déceler une quelconque signification lorsqu’on n’a pas le contexte de départ. J’ai indiqué jusqu’ici que tana désignait les étagères mais cela englobe aussi les étalages d’un magasin. D’ailleurs comme on l’avait vu avec le mot 店 (mise), on utilisait autrefois le terme 見世棚 (misedana) pour les boutiques et magasins. Puis ce dernier se serait contracté en mise ou tana et c’est mise qui a fini par l’emporter au grand jeu de la sélection naturelle (pour les boutiques). \(^O^)/

Revenons à nos moutons : dans une boutique, lorsqu’on place un produit en haut de l’étalage, c’est quasiment toujours pour qu’il ne soit pas vu. C’est le cas du moins au Japon où on met généralement les excédents alimentaires tout au-dessus. Dans les enseignes de grande distribution, on place même carrément des cartons au-dessus comme vous pouvez le constater sur cette photo :

Admirez ces jolis cartons placés au-dessus ^^

Et donc lorsqu’on dit 自分のことを棚にあげる (jibun no koto wo tana ni ageru), cela signifie “ne pas tenir compte des choses qui ne nous arrangent pas (les défauts par exemple)”. On place tout au-dessus ni vu ni connu et voilà le travail ! 😀
自分のことは棚に上げて人の悪口ばかり言う (jibun no koto wo tana ni agete waruguchi bakari iu) : dire sans cesse du mal des autres sans tenir compte de ses propres défauts.

Sources : dictionnaire électronique (dictionnaire étymologique des kanjis et Nihon kokugo daijiten), usable-idioms (à propos de l’expression tana ni ageru)

Articles similaires

2 réponses

  1. “自分のことは棚に上げて人の悪口ばかり言う”
    ça, c’est de la phrase ! Merci pour la traduction, je ne suis pas sûr que je l’aurais comprise sinon 🙂
    Je sais que c’est un site sur le vocabulaire mais si je regarde la construction, ça donnerait quelque chose comme ça, non ?
    言う : dire
    ばかり : uniquement, tout le temps
    悪口 : médisance
    人 : homme
    Donc pour l’instant, “人の悪口ばかり言う” serait donc “il dit sans cesse du mal des gens” (le pronom “il/彼” peut être sous-entendu, si je ne me trompe…)

    Ensuite, on a
    棚に上げて (forme en て de 上げる) : comme précisé par cet excellent article (comme toujours !), “mettre en haut des étagères” et donc “sans tenir compte”
    こと : fait, élément, truc
    自分 : soi-même

    Donc “自分のことは棚に上げる” donnerait “concernant ses propres faits (défauts)/soi-même, ne pas en tenir compte”
    Et avec la forme en て qui relie les deux propositions, on aurait “concernant ses propres faits (défauts)/soi-même, tout en n’en tenant pas compte, il dit sans cesse du mal des gens”

    Pfiou, pas facile comme phrase mais intéressante ^^

    1. Belle analyse, merci d’avoir fait le boulot à ma place ! :p
      Petite précision : le のこと n’est pas à prendre dans le sens littéral de “fait/élément/truc”, on peut l’omettre tout comme dans l’expression 君(のこと)が好き.
      Son rôle est surtout d’apporter un peu de distance, c’est plus direct de dire 自分を/は棚にあげて。。。

      Ensuite effectivement, on ne sait pas de qui on parle dans la phrase, cela peut être un homme (il) ou une femme (elle).
      Si ça avait concerné directement l’interlocuteur (tu), je pense qu’on aurait une particule finale du genre ね ou な.

      Enfin, j’ai oublié de préciser (même si c’est évident je pense) que quand on dit 自分(のこと)を棚にあげる, c’est quasiment toujours avec un reproche à côté “et tu te permets de…”.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Derniers messages du forum