Lorsqu’on est enfant et qu’on entend pour la première fois les mots belle-mère ou encore beau-père, on a bien du mal à faire le lien avec ses grands parents. Car on aura beau dire, on aura beau faire, l’usage de “beau/belle” n’a rien d’évident ici. Apparemment, c’était au Moyen Âge un terme d’affection même si c’est dur à croire. Aujourd’hui, je vois plutôt personnellement ça comme une manière d’embellir la réalité afin de la rendre plus acceptable. 😀
Mais il se trouve que les japonais pourtant adeptes de tatemae (vous savez, le fameux masque bloquant les propos inadéquats) ont pour le coup un terme bien explicite pour la belle-mère : 姑 (shûtome). On va donc voir en quoi il est en apparence péjoratif pour finir sur quelques expressions idiomatiques rigolotes.
Analyse et significations du mot shûtome
Le kanji de 姑 est généralement considéré comme un 形声文字 (keisei moji). C’est à dire qu’il possède une clé se rapportant plutôt au sens (女 “femme” ici) et une autre à la prononciation chinoise (古 qui se prononce ko). Cependant, comme on l’avait vu plusieurs fois, c’est quasiment toujours un peu plus complexe que ça et 古 apporte aussi ici le sens de “vieille/d’un certain âge”. Je précise quand même que l’adjectif 古い (furui) ne s’emploie pas en temps normal pour décrire l’âge avancé de quelqu’un mais plutôt un objet (livre…) ou quelque chose d’immatériel (façon de penser…). Toutefois, il existe également le verbe 古びる (furubiru) signifiant “devenir vieille”. Bref pour résumer, shûtome correspond à une femme devenue vieille. Sympa ! ^^
Concernant la prononciation du kanji 姑 maintenant, vous trouverez aussi shûto. Le problème est que shûto renvoie aussi au beau-père qui possède son propre kanji, 舅. Donc pour éviter toute ambiguïté, on préfère utiliser shûtome pour la belle mère aujourd’hui, le suffixe me renvoyant ici à la femme 女 (onna/me). Par ailleurs, à l’origine, shûtome ne désignait que la mère du mari. Si on faisait cette distinction, c’est parce que celle-ci prenait une place prépondérante étant donné qu’on vivait tous ensemble dans la famille du mari. Vu que la mère de l’épouse étant en quelque sorte extérieur à ça, on l’appelait alors 外故 (gaiko “belle-mère extérieure”).
Autre point sémantique important : concernant la belle-mère que l’on a après un remariage des parents par exemple, on emploie alors 義母 (gibo). Ce terme englobe en réalité toutes les belle-mères (mère du conjoint, femme de l’un des parents). Mais si j’ai choisi shûtome aujourd’hui, c’était pour me concentrer sur la mère qui pose en général problème, c’est-à-dire celle du conjoint. Et je ne pense pas qu’à ce sujet ce soit réellement différent au Japon. Même s’il faut avouer que la coutume du satogaeri vient apporter son petit grain de sel au tout. 😀
Expressions idiomatiques avec shûtome
Venons en maintenant à deux expressions idiomatiques rigolotes et que j’imagine vous attendiez tous. Je crois qu’il y en aussi en français autour du mot belle-mère mais c’est plutôt des blagues vaseuses en général. Tandis que là, vous pourrez les réutiliser au quotidien. Génial non ? Allez, c’est parti :
- 姑の涙汁 (shûtome no namidajiru). Littéralement “les larmes de la belle-mère”. Comme celle-ci est censée être impassible et ne pas pleurer, cette expression signifie “extrêmement peu“.
今年のボーナスは姑の涙汁ほど少なくて困っています。 (kotoshi no bônasu ha shûtome no namidajiru hodo sukunakute komatteimasu.). La prime de cette année est très faible et je suis embêté. - 姑の場ふさがり (shûtome no bafusagari). Ici le terme bafusagari signifie “qui gêne l’espace/le lieu” et fait donc référence à la belle-mère envahissante prenant tout l’espace. Et comme celle-ci vivait avec le jeune couple, on comprend bien pourquoi cette expression a vu le jour. Par extension, elle signifie simplement “belle-mère gênante” sans pour autant que ce soit lié à l’espace.
嫁を持つ三人の息子は、母である私を姑の場ふさがりとばかりに、たらいまわしにしている。 (Yome wo motsu sannin no musuko ha, haha dearu watashi wo shûtome no bafusagari to bakari ni, taraimawashi ni shiteiru). Mes trois fils qui ont chacun une épouse m’envoient balader comme si moi la mère j’étais uniquement une belle-mère envahissante.
Sources : huusennarare (explications sur le kanji 姑), tap-biz (évolution du mot shûtome et expressions idiomatiques)
2 Responses
Merci pour la correction sensei.
Ça fait longtemps que j’ai mis le nez dans le japonais.
Du coup ma maîtrise est équivalente à des larmes de belle mère !
Ah ah, n’empêche, contrairement à Youtube, il est impossible de savoir pour moi combien d’entre vous écoutent le podcast… Peut être 10, 50, 100, 500… oO.
Mais je profiterai de cet espace pour peut être revenir sur l’actualité au Japon parfois et répondre à certains commentaires. Autant en profiter à l’oral même si mon japonais est loin d’être parfait (je n’ai jamais visé la perfection en même temps… :p).