Hier, je suis tombé par hasard sur un podcast abordant les travaux de Brent Berlin et Paul Kay au sujet des couleurs et plus précisément de l’évolution des champs chromatiques. Selon ces travaux, il y aurait des stades concernant la différenciation des couleurs et ceux-ci seraient communs à chaque langue pour les trois premiers stades. On commencerait ainsi par le blanc/noir (chaud et clair vs sombre et froid), puis le rouge. Ensuite, c’est soit le jaune, soit le blert (bleu/vert) puis les autres couleurs secondaires.
Ce “blert” m’a tout de suite fait penser à la couleur 青 (ao) en japonais puisqu’on avait vu qu’autrefois au Japon, la distinction n’était pas évidente. Mais aujourd’hui, c’est 白 (shiro) qui va nous intéresser puisqu’il permet de s’interroger sur ce qu’est une couleur.
Origine du mot shiro et exemples d’usage
Avant que les kanjis ne soient importés au Japon, il semble qu’on différenciait principalement quatre couleurs : kuro, shiro, aka et ao, c’est-à-dire “noir, blanc, rouge et blert” ce qui d’ailleurs est compatible avec la théorie de Brent Berlin. Là où il y a un débat, c’est qu’on est pas vraiment certains que c’était vraiment des couleurs, certains penchent plutôt pour une certaine perception à la lumière. Et pour notre shiro qui prendra par la suite le kanji 白, on l’associait fortement à la perception “lumineux, clair, distinct”. C’est en tout cas dans ce sens qu’il aurait été employé au 11ème siècle dans le livre “Notes de chevet“.
Par ailleurs, avant que l’on ne sépare shiro pour donner la couleur blanche, on l’écrivait autrefois しろし/しるし (shiroshi/shirushi). Cette forme est encore visible aujourd’hui avec les mots 印 (shirushi “marque/signe” = qui est bien visible) ou encore 著しい (ichijirushii autrefois prononcé ichichirushi signifiant “remarquable/notable”). Bref, shiro était avant tout ce qui est clair/lumineux/remarquable par opposition à kuro représentant le sombre/foncé. La logique de la formation du kanji 白 en Chine n’est peut-être pas si éloignée puisqu’une des hypothèses est la lumière (光) du soleil (日) d’où 光+日 = 白.
De nos jours, la langue japonaise s’est enrichie avec de nombreux nouveaux mots et tout le monde associe shiro à la couleur blanche. Enfin pas uniquement parce qu’il peut aussi désigner le vide, par exemple 答案用紙はまだ白だ (tôan yôshi ha mada shiro da) = la feuille de réponse est encore vide/blanche. C’est également l’innocence en justice par opposition à kuro qui est la culpabilité avérée.
Sources : kawaijime (à propos de l’origine des noms de couleur au Japon), gogen-allguide (sens étymologique de shiro)
3 Responses
Bonjour,
étudiant en 1ere année, j’aime bien retrouvé le mot quotidien de votre site.
Encore plus quand c’est un mot que je viens d’apprendre comme shiro aujourd’hui.
Encore plus, aujourd’hui, car étant photographe, les couleurs m’intéressent, bien sûr, auriez vous le lien du podcast ? merci
Ah, c’est vrai que je n’ai pas mis de lien vers ce podcast. Le voici, il s’agit de l’épisode “retour sur le langage” de podcast science : https://www.podcastscience.fm/emission/2011/10/20/podcast-science-57-%E2%80%93-retour-sur-le-langage/
Sur le lien de Wikipedia, il n’est pas fait mention du blert mais eux en parlent. C’est vers le milieu du podcast sinon que le sujet apparaît.
Malheureusement, il n’y a vraiment rien en français et même en anglais, il me semble n’avoir pas trouvé grand chose…
D’où l’idée de faire un petit dossier en 2019 avec ce livre (mais aussi avec d’autres sources japonaises) sur les grandes lignes de l’histoire du japonais.
Vraiment, j’ai été séduit par les hypothèses évoquées, il y a plein de choses que je savais pas… ^^.