Lorsqu’on étudie le langage avec la linguistique, une des choses essentielles qu’on apprend est à prendre du recul sur le sens littéral des mots. Par exemple en français, le “on” peut avoir la valeur d’un “tu” avec une phrase comme “alors madame, on ne paye pas sa place de parking ?”.
En japonais, il faut faire particulièrement attention avec les formules de politesse et imaginer une situation similaire en français plutôt que recourir à une traduction littérale. On va voir aujourd’hui que c’est assez pertinent pour l’expression usuelle omatase (お待たせ).
Analyse de la structure de omatase et emploi au quotidien
Omatase s’écrit en japonais お待たせ où on retrouve le préfixe honorifique o- que l’on avait vu dans otsukaresama. Il permet ainsi dans certains cas d’indiquer qu’il s’agit d’une formule de politesse. Et si on s’amuse à le retirer, la valeur de l’expression n’est plus la même. Car à l’origine, il s’agit simplement du verbe matsu (待つ “attendre”) dans sa forme causative mataseru (待たせる “faire attendre”). Tomodachi wo mataseru (友達を待たせる) : faire attendre son ami. On est donc tenté par traduire simplement omatase par “je vous ai fait attendre/désolé de vous avoir fait attendre/merci d’avoir attendu” selon la situation.
Ce n’est évidemment pas faux en soit car il y a souvent un rapport avec l’attente. Par exemple, si vous arrivez un peu en retard à un rendez-vous amical, omatase convient très bien. Toutefois, on ne dit quasiment jamais en français “désolé de t’avoir fait attendre” mais plutôt “désolé pour mon retard” (ou encore une excuse). D’autre part, il faut bien comprendre que cette formule à un caractère automatique et même s’il n’y a quasiment aucune attente, cela ne pose pas problème. On appelle ça en linguistique la fonction phatique car c’est une simple prise de contact. C’est un peu moins neutre qu’un “bonjour” mais souvent, cela ne va pas plus loin.
C’est pourquoi lorsque vous allez au restaurant ou au supermarché, ne soyez pas étonné qu’on vous dise régulièrement taihen omatase shimashita (大変お待たせしました) à la caisse. Littéralement “je vous ai fait beaucoup attendre”, c’est en réalité très rarement le cas. Si vous êtes attentif à l’intonation d’ailleurs, vous pourrez remarquez que l’intention de s’excuser n’est pas vraiment marquée. Là encore, la traduction en français est compliquée car dans la même situation, on ne dirait probablement rien.
Sources : nativecamp.net (comparaison avec l’anglais)
2 Responses
Bonjour et merci pour ce mot du jour !
Je me demandais ce qu’on doit, systematiquement ou suivant le degré de politesse, répondre à un お待たせ? Probablement rien dans le cas d’une réflexion commerciale?…
Débarquant de France, j’ai personnellement trouvé ça fascinant que des employés qui nous proposent un service s’excusent en plus systématiquement de nous avoir fait attendre (surtout lorsque la discussion se passe en anglais, qui atténue l’usage “culturel” du mot). Mais on s’y habitue vite! Je vous explique pas le décalage à la première demande de renseignement au guichet de la SNCF en rentrant !
Si l’expression est devenue si neutre, y en a-t-il une plus appropriée si, horreur, la personne arrive vraiment en retard ?
Alors lorsqu’on est dans le cas d’une situation commerciale vendeur/client, effectivement, le mieux est de ne rien répondre à un omatase shimashita/taihen omatase shimashita. Mais moi même j’ai du mal à me contenir et je réponds parfois “daijôbu desu” (大丈夫です) afin de signaler “ça ne fait rien/pas de problème”. Car c’est toujours gênant, surtout quand on a à peine attendu… ^^. Après quand VRAIMENT l’attente a été longue, les employés ont en général un ton plus “affolé”, en tout cas moins détaché que celui habituel. Ils rajoutent aussi souvent “môshi wake arimasen (申し訳ありません)”, histoire de montrer qu’ils sont vraiment désolés.
Maintenant avec un ami par contre, je pense qu’en cas de réel retard (plus de 10 minutes), ça serait mal vu de simplement dire “omatase”. Celui là, je pense que c’est soit lorsqu’on est invité chez un ami ou soit lorsqu’on arrive après l’autre qu’on l’utilise. En gros, ça équivaut un peu au français “c’est moi/coucou !” histoire de signaler à l’autre qu’on est arrivé. Donc si vous arrivez avec un réel retard, je pense qu’il vaut mieux accompagner omatase avec un “gomen nasai ne” ou encore utiliser une autre formule comme
okurete sumimasen ! (遅れてすみません) !
Voilà, après culturellement, il est intéressant de constater que les japonais sont conditionnés à attendre le moins possible (surtout à la caisse et au restaurant). Donc quand ils viennent en France, ils sont souvent surpris d’attendre aussi longtemps d’être servis. Je sais pas si on peut dire qu’ils ont une perception du temps différente du coup mais j’ai toujours l’impression que tout va en accéléré ici, notamment avec les boutiques qui ferment et qui ouvrent à un rythme dingue.