Lorsque je lis la presse occidentale, il arrive que je croise un terme japonais qu’on a décidé arbitrairement de mettre en avant. Souvent, cela correspond à un concept où un objet qui serait typiquement japonais et donc difficile à décrire dans une autre langue. Un bon exemple est 生き甲斐 (ikigai) auquel on a rajouté toute une couche de fantasmes. J’avoue avoir été surpris toutefois en découvrant hier que もったいない (mottainai) avait eu droit à son propre article Wikipédia. En quoi est-il original ?
Origine du mot mottainai et récupération récente
Lorsqu’on regarde l’écriture en kanji de mottainai qui est 勿体無い, on a le réflexe de faire la décomposition mottai + nai. On en déduit alors qu’il n’y a pas de mottai (勿体), c’est à dire “pas de consistance/corps”. Cependant selon le Nihon Kokugo Daijiten, alors qu’on trouve des exemples de mottainai avec le sens “qui s’écarte de ce qui devrait être et qui est incommode” dés 1221, mottai employé seul n’apparaît que bien plus tard (17ème siècle). Je n’ai pas trouvé d’explications à ce sujet. Toujours est-il qu’on employait plutôt mottainai envers les êtres respectables/dieux avec un sens proche au final de “sacrilège“. そんな所に仏像を置いてはもったいない (sonna tokoro ni butsuzô wo oite ha mottainai) : c’est un sacrilège de placer une statue de bouddha dans un tel endroit.
De nos jours, cet emploi est devenu très rare. Par contre, on peut encore entendre les formules du type 私にはもったいないお言葉です (watashi ni ha mottainai okotoba desu). Traduction : je ne mérite pas ces compliments (litt. “pour moi, ces compliments ne sont pas adaptés”). En fait, cette signification “excessif et pas adapté” est apparue au 14ème siècle pratiquement en même temps que la dernière qui nous intéresse ici. Celle “trouver dommageable de jeter quelque chose où de ne pas exploiter pleinement un élément (matériel ou immatériel). 時間がもったいない (jikan ga mottainai) : c’est un gâchis de temps (qui aurait pu être mieux utilisé). 本を捨てるのはもったいない (hon wo suteru no ha mottainai) : ça fait de la peine de jeter des livres.
Selon Wikipedia Jp, c’est en 2005 que la Kényane Wangari Maathai aurait décidé après une invitation au Japon du journal Mainichi Shinbun à faire de mottainai un mot “international”. Apparemment, il a été choisi parce qu’il traduirait mieux le respect envers la nature et les objets. Honnêtement, j’ai du mal à voir ce que ce mot apporte de plus que “gâchis/gaspillage”, surtout que la question environnementale est très récente. Un coup de com politique ?
Autre source : dictionnaire électronique (phrases d’exemple)