Ils sont de moins en moins courants au Japon puisque leur nombre est passé de plus de 154 000 en 1981 à moins de 70 000 en 2014. On aime s’y rendre pour boire un thé ou un café au calme, sachant qu’il est possible d’y déguster des petits gâteaux. Je fais référence ici aux 喫茶店 (kissaten), les “salons de thé” qui ont plutôt l’allure de cafés rétros aujourd’hui. Après avoir fait le point sur l’origine du mot qui peut prêter à confusion, je vais m’intéresser aux particularités des kissaten aujourd’hui.
Origine du mot kissaten
Avec les mesures de plus en plus restrictives au Japon contre le tabagisme, certaines personnes au Japon se sont offusquées lorsqu’ils ont réalisé que les 喫茶店 étaient aussi concernés. Depuis le premier avril 2020, seuls les petits établissements (moins de 100 m², capital de moins de 50 millions de yens…) peuvent en effet accueillir les fumeurs sans espace dédié. Lorsqu’on sait que le mot 喫煙 (kitsuen “tabagisme/fait de fumer”) partage avec 喫茶店 (kissaten) le kanji 喫, c’est un non-sens décidément ! Il va falloir trouver un autre mot pour ces cafés rétro !
Comme toujours, il faut se méfier des évidences. Car lorsque le mot 喫茶 (kissa ou kiccha) est né aux alentours du XIIIe siècle, il n’était pas question de fumer. Le kanji 喫 signifie effectivement à l’origine “boire/manger” = “mettre à la bouche“. Ainsi, 喫茶 signifie tout simplement “boire du thé“. N’en concluez pas pour autant que les kissaten sont très anciens : le mot n’est apparu que lors de l’époque Meiji vers la fin du XIXe siècle. Avant lui, les Japonais utilisaient les termes 茶店 (chamise) ou encore 茶屋 (chaya) pour les boutiques vendant du thé.
Seulement, ces boutiques n’avaient pas l’apparence de salons (pièces spacieuses avec plusieurs dizaines de places assises) comme on l’entend aujourd’hui. Et quand kissaten a commencé à être utilisé à la même période que カフェ (kafe), c’était pour désigner spécifiquement les cafés de type occidental. Et comme le café (boisson) a commencé à être consommé dès les années 1870 au Japon, on en servait en réalité dès le départ en plus du thé. Bref, nos kissaten n’ont jamais été des salons de thé exclusifs, n’en déplaise aux réfractaires de l’expresso et du café allongé !
Différences avec le mot カフェ (kafe)
Vous trouverez un nombre incalculable d’articles en japonais listant les différences entre カフェ et 喫茶店. On peut les lister en deux types :
- L’ambiance : un kafe est plus lumineux et moderne, alors qu’un kissaten est plus rustique et sombre (usage de meubles plus foncés notamment). Lorsque j’habitais à Kobe, j’avais pour habitude avec un collègue de me rendre dans un saten (diminutif qui s’écrit 茶店 comme le mot chamise) qui s’appelait どん底 (donzoko). On peut traduire ça par “bas-fonds” et voici une photo de l’entrée rien que pour vous :
- Les plats et boissons servis : un kafe est considéré comme un 飲食店 (inshokuten = “restaurant”) classique avec des plats et boissons variés dont de l’alcool. Dans un kissaten, on n’a en principe pas le droit de servir d’alcool et vous ne pourrez consommer que des sandwichs/petits gâteaux/glaces en plus des boissons.
Concernant l’absence de boissons alcoolisées dans les kissaten, celle-ci remonte à la fin des années 1920 en lien avec l’émergence d’endroits un peu “spéciaux” : les 特殊喫茶 (tokushu kissa). Dans ceux-ci, il y avait notamment des hôtesses à l’accoutrement pour le moins aguicheur qui servaient de l’alcool. On a ainsi dû différencier les “cafés sans alcool ni hôtesses” avec le terme 純喫茶 (junkissa qui signifie littéralement “simple café”). Puis comme les tokushu kissa se sont raréfiés par la force des choses, le mot kissaten a fini par totalement remplacer junkissa.
Voilà, je pense qu’on a maintenant fait le tour du sujet. Si vous avez des questions, posez-les à vos proches. Si vous n’avez pas de proche, posez-vous des questions !