Le japonais dans tous les sens

Mizuumi (湖) : un lac, c’est de l’eau de mer ?

Si je vous demandais de me définir un lac, vous diriez probablement quelque chose comme “une étendue d’eau plus ou moins grande”. Selon Futura-Sciences, la nappe d’eau doit être stagnante, c’est aussi plus grand et profond qu’un étang (supérieur à 20 mètres) et dans la majorité des cas, il s’agit d’eau douce. En japonais, le mot 湖 (mizuumi) semble partager la même définition. Pourtant si on s’intéresse à sa prononciation, on obtient “eau de mer”. Comment l’expliquer ?

Prononciation et origine du mot mizuumi

Je ne sais pas si vous avez fait attention mais j’ai transcrit みずうみ en rômaji non pas avec l’orthographe mizûmi (u allongé) mais celle mizuumi. Il y a en réalité un léger blanc entre mizu et umi, d’où l’autre écriture mizu’umi possible. Ceci n’est pas toujours perceptible à l’oral comme avec la dernière prononciation parmi les quatre que j’ai piochées sur Forvo.com. Mais si les dictionnaires japonais eux-même indiquent “みず・うみ” et non “みずうみ” en hiragana, c’est bien parce que sémantiquement, c’est 水 (mizu “eau”)+ 海 (umi “mer”). Et j’imagine que si vous demandez à un Japonais ce choix, il sera bien incapable de dire pourquoi.

Pour bien comprendre, il faut revenir aux origines de umi, ce que je n’ai pas fait d’ailleurs avec son article dédié. Il s’agit d’un terme très ancien qui existait avant l’importation des kanjis au Japon. Au départ, son acceptation était très large et il désignait n’importe quelle grande surface d’eau. Ce qui pouvait être une mer, un lac voire une grande mare. Toutefois afin de faire la distinction, on appelait aussi la mer 塩海 (shio’umi “étendue d’eau salée”) ou encore 潮海 (shio’umi “étendue d’eau avec des marées”). Et le lac lui s’est ainsi vu attribuer mizuumi où mizu fait référence à de l’eau douce potable non chaude, ce qui est d’ailleurs encore souvent le cas aujourd’hui (eau chaude = お湯 oyu).

Voici le lac Mashû (摩周湖 mashû-ko) qui est très connu à Hokkaidô.

Concernant le kanji 湖 maintenant, on remarque qu’il est composé de la clé de l’eau氵à gauche et du symbole phonétique 胡 (ko) à droite. C’est pourquoi 塩水湖/塩湖 pour le lac salé se prononce ensuiko/enko et que les noms de lacs finissent par ko au Japon (摩周湖 mashû-ko = lac Mashû). Comme d’habitude, certains veulent aussi y voir le sens de “qui recouvre une grande surface” derrière 胡 mais encore une fois, cela ressemble plus à une interprétation postérieure qui a certes un côté logique mais qui ne semble pas reposer sur des écrits l’attestant.

Source : Gogen-allguide (explications sur l’étymologie de mizuumi et du kanji 湖)

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4 Responses

  1. Merci pour la recherche, super article!
    Vraiment intéressant de voir que l’eau fraîche et l’eau chaude n’ont pas la même dénomination.
    C’est d’ailleurs de l’eau chaude Oyu (お湯) que vient le ゆ (hiragana yu) à l’entrée des Onsen! Et aussi pour ça que leur nom finit souvent en “yu”…

    1. Oui, on apprend rapidement ici qu’il faut faire la distinction entre eau chaude (湯/お湯) et eau fraîche qui est 水/お水 mais on peut aussi dire お冷 (ohiya) pour l’eau bien froide (on l’utilisait quand je travaillais à l’hôtel par exemple). D’ailleurs il faudrait que je fasse un article pour ce dernier car il a une histoire intéressante.
      Mais ces différentes dénominations pour l’eau, j’ai l’impression que ça suivait une certaine logique à la base. Là de voir par exemple qu’on distinguait bien eau douce/eau salée me fait penser que mizu au départ, c’était surtout l’eau potable qu’on boit. D’ailleurs les dictionnaires japonais après avoir donné la définition commune de eau = H20, ils mettent souvent en 2 ” 特に、飲用水。”l’eau qu’on boit en particulier”. Bref, bien que l’eau soit de l’eau, on a trouvé bon de la nommer par des termes assez différents en fonction de son usage. Ce qui n’a rien d’illogique ! ^^

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