Le haiku 俳句 (que je devrais écrire haïku car il s’est francisé) correspond à un court poème composé de 17 mores suivant le schéma 5/7/5. Il se doit normalement d’évoquer un mot de saison et comporte une césure. Voilà pour la partie définition, on va maintenant se demander d’où vient ce mot car vous venez sur Kotoba pour ça ! Il va falloir pour cela remonter en arrière au temps des haikai (俳諧) et par la même occasion s’intéresser aussi à l’origine de ce dernier.
Étymologie du mot haikai et naissance du haiku
Depuis le VIIIe siècle au moins, il existe au Japon un genre poétique appelé 連歌 (renga lit. “poème lié”). Celui-ci est dit collaboratif car plusieurs personnes en principe se relaient lors de sa création. Vers le XIIe siècle, on commence peu à peu à voir apparaître un sous-genre du renga, le 俳諧連歌 (haikai-renga) ou 俳諧の連歌 (haikai no renga). Il possède comme caractéristique d’être comique et 俳諧 (haikai) serait à interpréter sous le sens de “plaisanterie d’interprètes” (俳優の諧謔 haiyû no kaigyaku). Une simple fantaisie en quelques sortes, il fallait bien rigoler !
Notre haikai-renga (contracté en haikai par la suite) était ainsi constitué d’une première strophe de 17 mores (5/7/5) suivie d’une autre de 14 mores (7/7) puis une autre de 17 mores (5/7/5) jusqu’à arriver à un certain nombre. Enfin, cela valait pour le renga de manière générale. Il se trouve que la première strophe était nommée 発句 (hokku “strophe de démarrage”), ce qui fait que la première strophe du haikai se dit 俳諧の発句 (haikai no hokku). De là est né par contraction le mot 俳句 (haiku) vers le XVIIe siècle.
Sauf qu’au XVIIe siècle, le haiku n’était pas encore indépendant du reste du haikai, il n’en était qu’une étape. De plus, le terme était très peu employé, on préférait encore hokku. Ce n’est qu’à partir de la fin du XIXe siècle que Masaoka Shiki mit fin à cette plaisanterie en déclarant que les haïkus seraient désormais un genre à part entière. Il n’est pas le premier cela dit à avoir rompu avec la forme comique/vulgaire du haikai car avant lui, Matsuo Bashô (1644-1694) composait déjà des haïkus ressemblant à la forme actuelle. Aujourd’hui, on attribue donc en général la paternité des haïkus à ce poète bien que lui-même ne les désignait pas comme tels.
Concluons et récapitulons les différents termes
Pour conclure, vu que le haiku est un haikai raccourci et devenu plus raffiné (en n’étant plus forcément comique), on peut dire qu’il symbolise bien l’expression “les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures”. Il fallait la trouver hein ! (*^^*) (・◇・;)(゚∀゚ノノ゙
Je précise enfin qu’aujourd’hui, il arrive souvent qu’on associe haikai à haiku car seuls ces derniers sont vraiment populaires au Japon. Ne criez donc pas au loup si vous trouvez un dictionnaire qui donne la définition du haïku sur l’entrée haïkai. Si vous voulez vous référer à l’ancienne forme traditionnelle du haikai, il faudra utiliser le mot 連句 (renku lit. “strophes liées”).
Allez, je récapitule sous forme de liste parce que ça commence à devenir compliqué :
- 連歌 (renga) : poème collaboratif où plusieurs auteurs se relayaient pour créer chacun une strophe (de 17 ou 14 mores).
- 俳諧連歌 (haikai-renga) : sous genre de renga qui a pour particularité d’être comique (voire vulgaire).
- 俳諧 (haikai) : forme contractée de haikai-renga au départ. De nos jours, il est quasi-synonyme du mot haiku bien que ces derniers ne soient pas forcément comiques.
- 俳句 (haiku) : forme contractée de 俳諧の発句 (haikai no hokku “première strophe du haïkai”) qui est réellement devenu un genre à part entière vers la fin du XIXe siècle bien que certains auteurs comme Matsuo Bashô en avaient déjà composé.
- 連句 (renku) : terme employé de nos jours pour désigner la forme traditionnelle du haïkai (strophes liées par plusieurs auteurs).
Sources : dictionnaire électronique japonais (encyclopédies et dictionnaire historique Nihon kokugo daijiten), ja.wikipédia (informations diverses)
5 Responses
Bravo et merci pour cette synthèse aussi claire
que bien documentée!
Merci pour l’idée d’article ! 🙂
Super article sur un mot très connu ! Merci !
Avec tous ces détails, c’est un plaisir à retenir, et surtout on va pouvoir briller en société ^^
Le haiku me semble en effet très souvent intraduisible en français, même quand on connait bien le japonais (ce qui n’est pas mon cas!).
Les traductions que je lis sont assez souvent assez obscures ou peu poétiques….
Faire un texte expressif si court, n’est guère facile en français, notre langue ne s’y prête pas vraiment (sauf à faire du “SMS”)
Souvent on a l’impression que ça finit en queue de poisson !
Ah ça, pour proposer des traductions en français potables, il faut être encore plus inventif que ceux qui ont créé l’haïku en japonais, ah ah. ^^
Merci pour cette explication détaillée de l’origine du terme “haïku” et de son évolution depuis le haikai-renga jusqu’à devenir un genre poétique à part entière. C’est intéressant de savoir comment ces formes poétiques ont évolué au fil du temps.