En français, le mot “timbre” est assez particulier puisqu’il renvoie à la fois au son (timbre de la voix, timbre musical…) et à un bout de papier adhésif que l’on place sur une enveloppe. C’est-à-dire le “timbre-poste” qui tend à disparaître peu à peu. C’est à ce dernier que le terme japonais 切手 (kitte) fait exclusivement référence aujourd’hui. Pourtant, si on s’intéresse au sens de chaque kanji (“couper-main”), cela ne semble pas couler de source. Il ne m’en fallait pas moins pour vous proposer un petit article qui revient sur l’étymologie de ce mot.
Étymologie du mot kitte
Le composé 切手 (qui se prononçait plutôt à l’origine kirifute) remonterait au début de l’époque Edo (XVIIe siècle). Il serait en réalité selon Wikipédia la contraction de 切符手形 (kippu tegata). Vous connaissez probablement 切符 (kippu) qu’on utilise encore aujourd’hui pour désigner le ticket/coupon. Pour ce qui est de 手形 (tegata), il signifiait à la base “forme de la main”, puis c’est devenu “chose écrite à la main” avec l’idée de “preuve écrite”. C’est pourquoi notre kippu tegata était une sorte de coupon de change émis par des marchands reconnus que l’on utilisait contre de la marchandise.

Il existait par exemple durant l’époque d’Edo des 米切手 (kome kitte), c’est-à-dire des “coupons de riz”, qui permettaient d’obtenir du riz. Cela s’est même étendu à d’autres produits de la vie courante : alcool, anguilles, confiseries… Puis vers le début de l’ère Meiji (1868), quand le système postal britannique commence à être importé au Japon, il a bien fallu trouver un terme pour les timbres postaux. Et comme il y avait une préférence à ce moment-là pour les composés de kanjis par rapport aux katakana, c’est kitte qui fut proposé par Maejima Hisoka.
Le Nihon kokugo daijiten précise à ce titre que cette utilisation de kitte pour le timbre n’allait pas de soi pour tout le monde au départ. Forcément, les gens avaient encore en tête les bons de change contre des denrées ainsi que les tickets d’entrée (car je ne l’ai pas précisé, mais on a aussi employé kitte pour les billets de théâtre par exemple). C’est pourquoi on employait aussi 郵便切手 (yûbin kitte “bons de la poste”) ou encore 賃金切手 (chingin kitte “bons payés”).

Et de nos jours alors, ce n’est plus qu’un timbre ?
Si vous dites une phrase comme “切手をください (kitte wo kudasai)” sans contexte précis, il y a effectivement 98% de chances pour qu’on l’interprète au Japon avec le sens de “timbre”. Certains dictionnaires de japonais contemporains mentionnent bien comme deuxième sens 商品切手 (shôhin kitte “bon d’achat”), mais ça reste rare et on va préférer 商品券 (shôhinken). Les philatélistes se voient alors affublés de 切手収集家 (kitte shûshûka) et si vous avez besoin d’une feuille entière de timbres (un carnet quoi), il faudra dire 切手シート (kitte shîto).
Notez quand même que si l’usage de chèques au Japon est plutôt anecdotique, on les appelle 小切手 (kogitte). J’avoue que je peine à expliquer l’usage du kanji 小 (“petit”) dans ce contexte et vous aurez donc peut-être droit à un nouvel article dans le futur. Qui sait ! (.❛ ᴗ ❛.)