De nos jours, le mot gentleman renvoie à l’image d’un homme “bien élevé et distingué” (Larousse). Pour la petite histoire, il s’agit d’un calque du terme français désormais peu employé gentilhomme. A l’origine, il désignait les hommes “bien né” qui avaient un haut statut. On va voir aujourd’hui que l’équivalent japonais shinshi (紳士) a connu une évolution similaire avec quelques petites différences culturelles.
Étymologie et évolution du mot shinshi
Shinshi s’écrit en kanji 紳士 où 紳 désignait autrefois la longue ceinture que portait les personnes de haut rang (gouverneurs, ambassadeurs…). 士 quant à lui correspondait à un rang particulier qui était le plus bas parmi ceux qui dirigeaient. C’est à dire en dessous d’empereur, seigneurs ou ministres. C’était en tout cas le cas à l’origine puis il a fini par désigner la plupart des individus possédant un haut statut. Shinshi s’apparentait précisément à cette catégorie de personnes et non à la ceinture qu’ils portaient.
Pour être plus précis, c’est en fait l’abréviation de shinshin no shi (縉紳の士). 縉 dans ce contexte veut dire “insérer/placer dans”. C’était en référence au gros bâton que les nobles inséraient dans leur ceinture (voir image du dessus). Je ne commenterai pas ce à quoi pouvait bien faire penser ce bâton, toujours est-il qu’il était prestigieux. C’est pourquoi on a naturellement choisi shinshi comme traduction littérale de l’anglais gentleman dans les années 1880. Et cela a fini par donner l’adjectif shinshiteki (紳士的) avec le sens de “courtois/distingué“.
Par ailleurs, sur les toilettes pour homme, il est possible que vous voyez écrit shinshi keshôshitsu (紳士化粧室). Le pictogramme qui l’accompagne représente souvent un homme avec un costume occidentale et non un bâton (dommage… :D). Difficile de dire quel pays a eu cette idée de mettre “gentleman” sur les toilettes en premier. Par contre pour les vêtements, il semble que seuls les japonais ont osé l’expression shinshi fuku (紳士服) littéralement “vêtements pour gentleman”. Il faut en fait le traduire par “vêtements homme” à distinguer de ceux pour femmes fujin fuku (婦人服). A noter que ce terme de fujin est beaucoup moins noble puisque le kanji 婦 est composé d’élément graphique du balai (hôki 帚). A chacun son bâton donc ! :S
Sources : yukashisekai (histoire et étymologie), Kotobank (dictionnaire japonais)
2 Responses
Une légère précision : 帚 n’est pas une clé dans le kanji 婦 (et par ailleurs n’est pas une clé tout court). Par contre la clé est 女, la femme.
Bonjour,
Vous avez tout à fait raison, j’ai modifié par “élément graphique”. En fait j’ai tendance à désigner par “clé” un élément du kanji que l’on peut séparer du reste (pour son sens ou sa prononciation). Mais ce n’est pas correct vu qu’une clé est en fait le radical principal du kanji. Il faudrait que je corrige les précédents articles du coup. Pour info, je compte m’acheter un livre sur la formation des kanjis et leur évolution/classification car je manque encore de connaissances sur le sujet.
J’en profite aussi pour dire que le kanji 婦 est en fait sujet à controverse car on peut y voir deux interprétations derrière la partie 帚. Les féministes penchent pour le balai ce qui est évidemment réducteur pour la femme. C’est ce qui explique d’ailleurs que la fréquence à l’usage du mot fujin a baissé au profit de josei (女性) jugé plus neutre. Mais certains puristes font remarquer que 帚 serait la simplification de 箒 qui correspondait autrefois à une petite brosse que l’on employait pour purifier l’autel des temples. Donc 婦 désignait les femmes qui avaient ce rôle de purification. Enfin toujours est-il que le problème est toujours le même, à savoir que le nettoyage demeure une tâche féminine dans les esprits…