Le japonais dans tous les sens

Critique du livre Pratique du Japonais

Table des matières

Introduction

Comme le Manuel de japonais, volume 1, Pratique du japonais part du niveau débutant, mais son approche est différente. Axé sur le dialogue, il est fait pour lancer l’apprenant dans l’échange quotidien et lui permettre d’aborder n’importe quelle situation de communication.”

Ceci est le début de la description de l’ouvrage Pratique du Japonais proposée par l’Asiathèque qui n’est rien d’autre que son éditeur. Moi ce que je retiens en la lisant, c’est qu’on a affaire cette fois-ci à un manuel qui met davantage l’accent sur la pratique orale de la langue japonaise. On a d’ailleurs droit à un CD MP3 de plus de 7h30 d’écoute ! Et comme sa première publication remonte à 2006 (soit 27 ans après celle de Manuel de Japonais Volume 1), on pourrait s’attendre à une approche plus moderne.

En outre, l’Asiathèque ajoute que les apprenants en japonais auraient un intérêt à utiliser cet ouvrage en même temps que Manuel de Japonais Volume 1Je vais donc concentrer ma critique sur les questions suivantes :

  • Est-ce que l’approche de Pratique du Japonais est “vraiment” différente de celle des deux autres manuels de Kunio Kuwae ?
  • Peut-on conseiller aux apprenants de japonais de l’utiliser en même temps que Manuel de Japonais Volume 1 ?
  • À qui s’adresse Pratique du japonais au final ?
Une petite photo de la couverture pour commencer (sympa en violet… ^^).

1) Analyse de l’approche de Pratique du Japonais

Avant de m’intéresser à l’approche utilisée par Kunio Kuwae tout le long de l’ouvrage, j’aimerais attirer votre attention sur son introduction. Elle est en effet extrêmement longue (120 pages !) et vous aurez tout d’abord droit à une longue description sur les kana (hiragana+katakana) et les kanji. C’est-à-dire leur origine, leur tracé, leurs combinaisons… Toujours dans cette même introduction, vous trouverez des infos sur les signes de ponctuation, la phonétique et enfin l’accent.

Bref, j’ai envie de dire qu’il y a déjà un souci : si le but avait vraiment été la pratique du japonais, il n’y aurait pas autant de théorie. C’est très intéressant l’origine des caractères (et j’ai même écrit un livre là-dessus d’ailleurs !), mais c’est franchement secondaire quand le but est de pratiquer. Cela m’aurait moins perturbé si une intro aussi longue s’était trouvée dans Manuel de Japonais Volume 1, mais celle présente dans ce dernier ne fait que 38 pages.

Autre point dommageable : rien n’est écrit sur les objectifs de l’ouvrage ni le public cible. C’est rarement bon signe selon moi, puisque ça indique indirectement que cette considération a peu d’intérêt pour l’auteur. Ceci étant dit, rendons-nous directement à la leçon 1 qui commence donc à la page 121.

A) Description de la progression d’une leçon type

Titre de la leçon 1 : Verbes et Forme gérondive du verbe. Tiens, ce ne serait pas une approche grammaire-traduction structurée autour d’éléments grammaticaux ça ? Kunio Kuwae ne peut d’ailleurs pas s’empêcher de donner tout de suite une définition des verbes puis une classification des verbes. C’est-à-dire dans un premier temps les verbes faibles puis les verbes forts.

Un début de leçon pour le moins peu engageant… oO

La première phrase d’exemple n’est présentée que 5 pages plus loin avec une comparaison entre la forme neutre et polie (うみ に いく。 VS うみ に いきます。). On enchaîne alors sur les particules wa/mo et enfin une liste de 10 pronoms personnels C’est bon, vous êtes maintenant prêt pour lire une dizaine de phrases absolument passionnantes :

Était-il nécessaire de répéter 18 fois le même énoncé ? C’est vraiment du remplissage à ce niveau…

Concernant le reste de la leçon 1, il y a au programme les suffixes de la personne (-san, -kun…), la forme négative (neutre et polie), la forme passé (neutre et polie), les heures, des expressions temporelles, d’autres particules, les déterminants, d’autres dialogues passionnants… Et enfin la forme “gérondive” du verbe (j’y reviendrai). Aucun exercice en vue pour cette première leçon, c’est ce qu’on appelle de la pratique ! 😀

Très honnêtement, je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi fouillis, ça part absolument dans tous les sens. Le titre de la leçon aurait dû être “les bases du japonais” à la limite. On sent en effet que Kunio Kuwae a tenu à tout condenser dedans. Heureusement, c’est un peu mieux structuré dans les leçons suivantes, mais ça repart en sucette à la fin. Il n’en reste pas moins que si vous cherchiez un manuel qui n’est pas organisé autour des structures grammaticales, vous pouvez passer votre chemin.

B) Remarques sur le contenu des leçons

Il y a un point important que j’ai volontairement omis : vous ne trouverez pas de rômaji dans Pratique du Japonais. Pour rappel, ceux-ci étaient présents dans Manuel de Japonais Volume 1, mais également dans Manuel de Japonais Volume 2. Là encore, si on part du principe que cet ouvrage est davantage axé sur l’oral, ce choix me semble discutable.

Il va d’ailleurs plus loin étant donné que vous êtes encouragé à maîtriser tous les kanji présents dans le livre (652 en tout). Ceux-ci sont présentés sous forme de tableaux ressemblant à ceux du livre Kanji et Kana en fin de chaque leçon. Je vous rassure cela dit : il y a les furigana au-dessus de chaque mot en kanji, vous n’êtes donc pas obligé de connaître leurs lectures.

C’est pas forcément les kanji les plus simples en premier, mais le geste est là !

Autrement, comme vous avez pu le constater avec les phrases d’exemples présentées plus tôt, on est face à des dialogues très artificiels. Je les ai fait lire à mon fils pour le fun et il m’a dit “ah bin si on parle comme ça, on a plus d’amis alors…”. Cela rejoint cette courte critique dans laquelle l’autrice écrit “c’est ennuyeux comme la pluie un dimanche d’automne“. Pour le dire dans des termes plus techniques, on a affaire à une répétition excessive de structures et de phrases identiques avec une variation minimale et un flux conversationnel peu naturel.

Venons-en aux explications grammaticales. Déjà, j’ai l’impression qu’il s’agit pour beaucoup d’entre elles de recyclage venant des Manuel de Japonais. Après vérification, c’est bien le cas, même s’il y a des reformulations par moment :

C’est pas exactement pareil, mais…

Dans tous les cas, c’est souvent très long et j’ai le sentiment qu’on est plus sur de la théorie que de la pratique (oui, je suis taquin…).

C) Les exercices de pratique

Comme je souhaite aller au bout des choses, il fallait que je vous présente tout de même les exercices de pratique. Le premier arrive donc à la fin de la leçon 2 à la page 254.

Cela ne vous rappelle pas quelque chose ? Eh oui, il s’agit toujours d’exercices de traduction, sauf qu’il est indiqué cette fois-ci “traduisez les dialogues“. Ouf, on est bien sur une méthode axée sur l’oral alors ! Les mots de vocabulaire vous sont donnés à la fin de l’exercice. Ensuite, Kunio Kuwae vous propose de traduire vers le japonais.

Ces dialogues n’ont pas grand intérêt et cela serait revenu au même si on avait demandé de traduire plusieurs phrases d’exemple non contextualisées…

Un second exercice avec le même schéma (traductions jp-fr puis fr-jp) arrive juste après ce premier exercice. La seule différence, c’est qu’il s’agit d’une seule conversation entre deux personnages et pas une multitude de mini dialogues. On saluera l’effort de contextualisation avec une thématique par conversation (au cinéma, au restaurant…). Néanmoins, là encore, on est loin d’un japonais authentique, les personnages ressemblant à des robots sans âme.

Cette conversation a des allures d’interrogatoire tout de même… ^^

Mais ce que je regrette le plus, c’est qu’il n’y ait pas d’autres types d’exercices pour pratiquer son japonais. Je pense notamment aux dictées (pour travailler la compréhension orale), aux exos de reformulation, à la production écrite… Je sais que c’est compliqué d’évaluer cette dernière, mais on peut toujours proposer une correction-type dont l’apprenant pourra s’inspirer. Non ?

2) Est-ce une bonne idée d’utiliser cet ouvrage conjointement avec Manuel de Japonais Volume 1 ?

Même si ce n’est pas exprimé explicitement par l’éditeur, on peut supposer que Pratique du Japonais a été conçu pour pallier un manque des deux Manuel de Japonais du même auteur. L’absence de vraies conversations d’une part, mais aussi d’informations sur les kanji (lectures, significations…). En fait, si cet ouvrage ne contenait que des dialogues reprenant les éléments grammaticaux de Manuel de Japonais Volume 1 (que je vais désormais appeler “MDJV1”) et des explications sur les kanji, cela aurait pu avoir un sens.

Le problème, c’est qu’il y a finalement beaucoup de redondances par rapport à MDJV1. Pas toujours à bon escient d’ailleurs puisque la “forme en -te du verbe” devient “la forme gérondive du verbe”. Personne n’utilise cette terminologie étant donné que le gérondif évoque habituellement la simultanéité de deux actions (“manger en marchant” par exemple). Ce qui est souvent traduit par -nagara en japonais. Je ne comprends pas ce changement, si ce n’est probablement une volonté de l’éditeur de vouloir tout franciser à tout prix.

D’autre part, comme Pratique du Japonais fait 824 pages contre 456 pages pour MDJV1, il va un peu plus loin dans la grammaire. Vous y trouverez notamment les propositions conditionnelles ainsi que les particules conjonctives node/noni ou encore le suffixe verbal –tai qui apparaissent à partir de MDJV2. Ce n’est pas une mauvaise idée puisque ces formes grammaticales sont utiles à l’oral. Mais si vous souhaitez les approfondir, il vaudra mieux avoir les deux Manuel de Japonais.

Pour répondre directement à la question posée, il ne me semble pas que ce soit pertinent d’utiliser ce Pratique du Japonais en parallèle avec MDJV1. Autant compléter ce dernier avec une vraie méthode basée sur l’approche communicative comme Parlons Japonais A1 ou bien Marugoto Starter A1.

3) À qui conseiller Pratique du Japonais en fin de compte ?

J’ai été très critique jusque-là avec Pratique du Japonais. Toutefois, si on met de côté les deux autres Manuel de Japonais, un certain nombre de défauts cités au-dessus disparaissent comme les redondances. Si vous êtes totalement débutant en japonais et que vous avez besoin d’une méthode qui aborde de façon relativement approfondie les principaux points de grammaire de la langue japonaise ainsi que 650 kanjis (qui ne sont pas forcément les plus courants), j’ai envie de dire “pourquoi pas ?”.

Enfin, il faut tempérer la proposition “principaux points de grammaire” puisqu’on se trouve entre un niveau N5 et N4 du JLPT à l’arrivée. De plus, j’ai trouvé la première leçon bien plus hardcore que celle de MDJV1. Car en plus de vous demander la maîtrise des kana, le nombre de notions abordées est juste énorme. D’autant plus que le premier exercice de pratique n’intervient qu’à la fin de la leçon 2 pour rappel.

Bref, on va dire que Pratique du Japonais pourrait convenir pour un faux débutant qui déjà quelques bases en plus d’être forturné. Car à 96 euros la méthode (prix sur le site de l’éditeur), il faut quand même avoir les moyens…

Conclusion

Si vous êtes parvenu à lire cette critique en entier, vous avez sûrement compris que Pratique du Japonais ne m’a pas convaincu. Il faut dire qu’il ne tient quasiment aucune de ses promesses. Déjà, même s’il y a effectivement des dialogues et conversations, il est toujours centré sur la grammaire qui prend une place démesurée. De plus, l’emploi du mot “pratique” est surfait étant donné qu’on est très peu amené à pratiquer la langue de façon active. Sur ce point, c’est exactement pareil que les Manuel de Japonais du même auteur.

En outre, je ne conseillerais pas de l’utiliser en parallèle avec Manuel de Japonais Volume 1 puisqu’il propose des explications et une approche similaire dans l’ensemble. Les éléments grammaticaux ne sont certes pas présentés dans le même ordre, mais on reste dans de la grammaire-traduction. Je trouve en plus que Pratique du Japonais est davantage “fouillis” et pas qu’à la leçon 1. À la fin de l’ouvrage, il y a en effet des leçons appelées “additif” qui mélangent plein de notions ainsi que 15 “appendice”.

En définitive, j’ai vraiment eu l’impression d’avoir affaire à un manuel fourre-tout qui n’a été conçu selon aucune direction précise. C’est comme si on avait demandé à Kunio Kuwae : “Comme tes deux autres bouquins étaient théoriques, fais-nous un manuel pratique avec cette liste de notions que tu arrangeras à ta sauce. Longueur demandée : plus de 800 pages”. Si vous l’avez utilisé en autodidacte et que vous êtes parvenu à aller au bout, je vous dis bravo. (>_<)

Points positifs :

  • Il y a davantage de dialogues que dans Manuel de Japonais.
  • Le CD comportant 7h30 d’écoute de conversations passionnantes (ಥ_ಥ).
  • La présentation des kanji vus en fin de leçon.

Points négatifs :

  • Un titre qui n’a pas grand-chose à voir avec le contenu du manuel (très peu de pratique au final).
  • Une approche quasiment identique aux Manuel de Japonais Volume 1 et Volume 2.
  • L’absence de rômaji qui semble contradictoire avec le propos de l’éditeur “axé sur le dialogue“.
  • Le manque d’authenticité des dialogues avec de nombreuses répétitions peu nécessaires au début.
  • La redondance des explications grammaticales par rapport à Manuel de Japonais Volume 1.
  • L’absence d’exercice dans la leçon 1 malgré le grand nombre de notions abordées.
  • Le prix exorbitant (96 euros).

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