Le japonais dans tous les sens

Critique du livre Manuel de Japonais Volume 2

Table des matières

Introduction

Manuel de Japonais Volume 2 est la suite directe de Manuel de Japonais Volume 1 qui vient de faire l’objet d’une critique détaillée sur ce blog. Paru pour la première fois en octobre 1980, il a fait l’objet de plusieurs éditions depuis (le dernier tirage ayant eu lieu en décembre 2018). Pour cette critique, je me suis basé sur la quatrième édition (2002) qui est sensiblement identique à la dernière.

Premier élément à avoir en tête : contrairement au premier volume, ce second volume ne contient pas de CD MP3 et on ne trouve pas non plus de pistes audio en ligne. Il est aussi plus volumineux : 744 pages contre 456 pages. Bien sûr, c’est toujours le docteur en linguistique et spécialiste de la langue japonaise Kunio Kuwae qui en est l’auteur.

Sans surprise, ce Volume 2 est donc toujours centré sur la grammaire japonaise et on comprend rapidement que l’objectif est d’approfondir les acquis. Enfin, c’est ce que je suppose puisqu’il n’y a aucune introduction ni préface : la première page (457) débute tout de suite à la leçon 20. Une fois n’est pas coutume, cette critique va s’articuler autour de plusieurs questions :

  • Est-ce que Manuel de Japonais Volume 2 est dans la continuité du premier en parvenant à maintenir la même qualité pédagogique ?
  • Que peut-on dire de la progression grammaticale de cette méthode qui suit avant tout une logique structuraliste ?
  • À quel niveau de JLPT prétendre après avoir fini les deux manuels ?
  • À qui conseiller ce Volume 2 au final ?
Mon exemplaire du Volume 2 est en meilleur état que celui du Volume 1, mais il a bien souffert ces dernières semaines… oO

1) Continuité et évolution de Manuel de Japonais Volume 2 par rapport au Volume 1

Si vous n’avez pas lu ma critique de Manuel de Japonais Volume 1, je vous encourage à aller y jeter un œil tout de suite. Je vais juste rappeler ici la structure d’une leçon type :

  • Présentation succincte du point de grammaire central ou du thème de la leçon. Exemple : “les particules casuelles”, “la forme conditionnelle des mots variables”…
  • Division en sous-points grammaticaux avec une explication en premier lieu puis des phrases d’exemple plus ou moins nombreuses. Exemple : “la forme conditionne du verbe”.
  • Exercices avec des phrases à traduire (français vers japonais puis japonais vers français).

A) Des phrases d’exemple de plus en plus élaborées, mais des exercices qui se raréfient

Dans le premier volume de Manuel de Japonais, la plupart des phrases d’exemple avaient un côté artificiel étant donné que leur but premier était l’acquisition du point de grammaire présenté. C’est plus ou moins le cas dans les premières leçons de Manuel de Japonais Volume 2, mais ces énoncés vont peu à peu laisser la place à des énoncés plus naturels, mais aussi plus longs. Je pense d’ailleurs qu’un certain nombre d’entre eux n’ont pas été inventés par Kunio Kuwae, mais sont directement tirés d’ouvrages japonais (essais, articles de journaux…).

Voici un exemple tiré de la 28ᵉ leçon (9ᵉ leçon du livre) :

Et un autre plus imposant encore tiré de la 48ᵉ leçon (29ᵉ leçon du livre) :

Je me demande d’où provient ce mini texte…

En fait, c’est le propre de la méthode grammaire et traduction puisqu’on a habituellement recours aux textes classiques. Ne soyez donc pas étonné de trouver des phrases d’exemple assez alambiquées, bien qu’elles soient minoritaires. À contrario, les exercices de traduction se réduisent. Ils étaient en effet au nombre de 28 pour le Volume 1 (pour 19 leçons, soit 1,47 par leçon). Désormais, on en dénombre 42, mais pour 62 leçons (0,67 par leçon).

Ce choix de Kunio Kuwae est plutôt logique puisqu’à partir d’un certain niveau, il n’est plus nécessaire de s’entraîner après chaque nouveau point de grammaire abordé. Je précise que les phrases à traduire sont plus longues en moyenne, mais ça reste dans le même esprit que celles du Volume 1.

B) Des explications grammaticales toujours de bonne facture

Si vous aimez lire des explications grammaticales à la fois claires et exhaustives, vous allez forcément apprécier Manuel de Japonais Volume 2. Kunio Kuwae propose encore d’une part des comparaisons entre plusieurs phrases qui sont utiles pour bien saisir chaque nuance de la langue.

D’autre part, il y a toujours des indications sur l’usage de certains mots, bien que celles-ci aient mal vieilli pour certaines. Je pense par exemple à celles à propos du langage des hommes et des femmes qui ont pas mal évolué ces dernières années.

Il essaie de se rattraper en dessous, mais on peut regretter le manque de nuance. Aujourd’hui, l’emploi de “anata” dans le sens “chéri” a quasiment disparu.
Source : woman.nikkei
C’est bien connu : les femmes sont toujours polies et n’emploient pas aitsu/koitsu, même quand elles sont agacées (c’est de l’ironie).

En dehors de ça, je n’ai pas trouvé que Kunio Kuwae recourait à des termes grammaticaux inutilement complexes pour ce second volume. Même si vous n’êtes pas hyper à l’aise avec le métalangage, vous ne devriez donc pas être perdu.

2) Réflexions à propos de la progression grammaticale dans Manuel de Japonais

Pour cette partie, je vais me baser sur la méthode dans son ensemble (Volume 1Volume 2). Déjà, on peut dire que Kunio Kuwae adopte une forme de progression en spirale. C’est-à-dire que la plupart des points grammaticaux abordés dans le premier tome sont à nouveau présentés, mais de manière plus approfondie. J’en veux pour preuve les particules casuelles/fonctionnelles (ga, no, wo, ni…) qui font l’objet de la leçon 3, puis de la leçon 21 et enfin de la leçon 75. Il y a donc une volonté de l’auteur de commencer par les usages les plus courants pour aller vers ceux plus rares.

L’auteur revient ici sur tous les usages de la particule “Wa” présentée auparavant en approfondissant.

Comme vous pouvez le voir sur la photo, celui-ci a d’ailleurs la bonne idée de faire des renvois vers les pages précédentes quand l’élément grammatical a déjà été abordé. Néanmoins, il faut avoir en tête que Manuel de Japonais suit avant tout une logique structuraliste plutôt que fonctionnelle/communicative. C’est ce qui explique l’introduction parfois très tardive de points que l’on peut juger “basiques”, puisque présents dans le JLPT N5. C’est le cas notamment de nagara (= actions simultanées) qui n’apparaît qu’à la leçon 68 et tari (=succession d’actions) que l’on trouve à la leçon 70.

C’est donc en opposition avec un manuel comme Marugoto Starter A1 qui vise une compétence communicative immédiate. Cette approche assumée de Kunio Kuwae, bien que rigoureuse, peut créer un décalage avec les attentes des apprenants visant une utilisation pratique de la langue. En cela, le manuel reste une référence précieuse pour les esprits analytiques, mais il vaudra mieux le compléter par d’autres outils axés sur la communication.

3) À quel niveau de JLPT prétendre après avoir fini Manuel de Japonais de Kunio Kuwae ?

C’est la partie qui m’a pris le plus de temps puisque je me suis “amusé” à vérifier tous les points de grammaire pour le JLPT N3 et N2. Enfin, ceux listés sur le site Japanesetest4you.com, sachant qu’il n’y a pas vraiment de “liste officielle” pour rappel. Je dois avouer que le glossaire présent à la fin de Manuel de Japonais m’a bien aidé dans cette quête puisque Kunio Kuwae a eu la bonne idée d’y inclure les termes grammaticaux (particules, suffixes…) et les pages auxquelles ils sont présentés.

Les mentions vers les différentes pages m’ont bien été utiles ! 🙂

Ce n’était toutefois pas toujours suffisant étant donné certains éléments grammaticaux du JLPT ne font pas l’objet d’une leçon (ou chapitre) dans ce manuel. C’est notamment le cas de certaines expressions qui sont décrites comme des tournures grammaticales alors que je les aurais classées dans la catégorie “vocabulaire” à titre personnel. Par exemple 気 (ki), 幸い (saiwai)…

Trêve de bavardage, voici les résultats sous forme de PDF (cliquez sur les liens pour y avoir directement accès) :

Points de grammaire N3       Points de grammaire N2

Petite synthèse : pour le JLPT N3, on trouve en gros 89 points de la liste sur 123, soit 72%. Pour le JLPT N2, cela tombe à 46% (93/201). J’ai regardé vite fait pour le JLPT N1 et on doit être dans les 10/20% grosso modo. Je précise que j’ai été plutôt parcimonieux en incluant certains points grammaticaux pas vraiment explicités (mais que l’on trouve au détour d’une phrase d’exemple).

J’avoue avoir été un peu surpris de l’absence de tournures courantes comme もしかしたら (moshikashitara), なぜなら (naze nara) ou encore ついでに (tsuide ni), mais ça peut s’apprendre facilement après coup. Je pense en tout cas que l’essentiel pour le N3 est là et qu’il vous suffira de potasser encore un peu pour être prêt concernant la partie grammaire de l’examen.

4) À qui conseiller ce Volume 2 au final ?

Si vous avez terminé Manuel de Japonais Volume 1 et que vous souhaitez aller toujours plus loin dans l’apprentissage du japonais, il est évident que ce second volume vous conviendra. En dehors de cette évidence, je pense qu’il est à conseiller à deux types d’apprenants principalement :

  • Les étudiants qui évoluent dans un contexte académique (ex : étudiant en LLCE Japonais) puisqu’on met davantage l’accent sur l’écrit que sur l’oral. C’est vrai pour l’INALCO entre autres avec des cours de grammaire vraiment complexes en L3. En utilisant Manuel de Japonais Volume 2 en tant que ressource complémentaire, cela pourrait vous aider à mieux assimiler certains points.
  • Les apprenants en autodidacte qui ont un profil analytique et qui cherchent à approfondir leurs bases de grammaire. C’est ce que j’avais fait à titre personnel à mes 15/17 ans en travaillant l’oral avec des correspondants japonais à côté. Si vous prenez des cours particuliers centrés sur la communication à côté, cela peut aussi être intéressant.

Par contre, c’est certain que si vous souhaitez vous rendre prochainement au Japon et que vous avez besoin de compétences communicatives immédiates, il vaudra mieux se tourner vers des méthodes avec une approche communicative/actionnelle (Parlons Japonais A1 entre autres).

Conclusion

En définitive, pour ce qui est des ressources en français, Manuel de Japonais Volume 2 confirme son statut d’outil de référence pour qui souhaite creuser la grammaire nipponne de façon rigoureuse. On peut dire sans se tromper qu’il prolonge efficacement la continuité pédagogique du premier tome en présentant des phrases d’exemple plus authentiques et élaborées. On apprécie aussi le fait que Kunio Kuwae revienne sur certains points abordés dans le Volume 1 pour les approfondir (particules, formes verbales…), ce qui permet de réviser les acquis.

En outre, la méthode dans son ensemble couvre une part significative du programme du JLPT N3 (pour la grammaire uniquement). Cela étant dit, son approche structuraliste implique parfois un décalage par rapport aux besoins communicatifs immédiats. Vous n’êtes certes pas contraint de traiter les leçons de l’ordre, mais c’est tout de même fortement conseillé. Dans tous les cas, si vous avez un profil analytique et que vous souhaitez privilégier l’écrit dans un premier temps, ce manuel de japonais est à considérer comme une ressource précieuse.

Points positifs :

  • Phrases d’exemples de plus en plus naturelles et variées dont certaines sont certainement empruntées à des textes authentiques.
  • Apprentissage en autodidacte possible grâce à des explications claires et comparaisons bien pensées pour saisir les nuances.
  • Renvois systématiques aux leçons précédentes pour faciliter la révision.
  • Glossaire détaillé en fin d’ouvrage (sens japonais-français et français-japonais), ce qui est notamment pratique pour repérer rapidement chaque élément grammatical.
  • Couverture solide de la grammaire du JLPT N3 (environ 72 % des points listés).

Points négatifs :

  • Prix neuf élevé (environ  69 €), ce qui peut freiner les budgets serrés.
  • Pas de CD ou de ressources audio en complément, contrairement au Volume 1.
  • Exercices de traduction qui ne varient pas d’un iota (ce qui peut être lassant à la longue).
  • Introduction tardive de certaines notions basiques (nagara, tari…) du fait se son approche structuraliste.

5 commentaires

  1. Merci de votre nouveau test qui complète bien le précédent et qui sont récents pour ces livres qui traversent les âges !
    Au début des années 90 j’ai connu des livres un peu similaires pas forcément très joyeux. Mais il est vrai que de nos jours avec des dessins des livres un peu plus axé sur la communication ces livres font antédiluviens.
    Mais ils font aussi très classe et sérieux.
    Parce que ça me plaît pas trop que de nos jours même des non japonais commencent à faire des méthodes pour débutant.
    À noter que le troisième ouvrage pratique du japonais (couleur grenat) est un peu plus pratique et un peu plus proche de ce qu’on trouve de nos jours..
    Cet ouvrage s’utilise en parallèle avec le Volume 1 (vert).
    C’est sûr que si vous travaillez 3 ou 6 mois sur le Japonais en douceur de NHK World Japan ou Assimil par exemple vous aurez une base de débutant un peu plus facile à utiliser au Japon que la même durée d’études pour les Kunio Kuwae dont je reste fan.

    1. Vous semblez apprécier le terme “antédiluvien”, ah ah. Pour info, Kunio Kuwae enseigne toujours et je me demande d’ailleurs quel âge il peut bien avoir.

      Concernant les méthodes de japonais réalisées par des personnes non natives : je n’en ai pas eu entre les mains pour le moment, donc je n’ai pas vraiment d’avis sur le sujet.

  2. Merci pour votre réponse.
    Il enseigne encore ? Qu’il prenne le temps de rafraîchir ces livres car avec le même contenu mais une autre police et un peu plus jovial il s’en vendrait davantage (ah oui, le prix).
    Car en tout cas sur Amazon, la quantité varie pas souvent…

    1. Oui, il enseigne toujours à l’Essec (et peut-être ailleurs) depuis… 43 ans. 😀
      De ce qu’on m’a dit, il ne se sert pas de ses manuels de japonais en tant que support.
      D’autre part, il aurait récemment déclaré à ce sujet qu’il n’en vendait quasiment plus ces dernières années, bien vu donc !

      J’imagine que c’est sûrement derrière lui et si ça se trouve, il n’était pas partant au départ pour sortir “Pratique du japonais” (qui est paru 26 ans après quand même). Franchement, ce dernier m’a paru vraiment bancal, on a l’impression qu’il tente de faire un peu de neuf avec du vieux. Mais je vais aller tout de même au bout avant de donner un avis définitif.

  3. J’avais lu ceci je ne sais plus sur quel site (pas Amazon) d’un ancien élève qui disait que certains en classe avaient achetés ces livres mais qu’il ne les utilisaient effectivement pas.
    Si vous avez le temps ça sera un avis bienvenu de votre part sur Pratique du Japonais vous qui êtes au Japon depuis plus de 12 ans et avec un haut niveau de Japonais. Donc avis de grande valeur !
    Le plus étrange reste peut-être que ces livres sont toujours disponibles et donc réédités même si plus de nouvelles éditions depuis quelques années. (L’Asiathèque m’avait gentiment répondu pour un CD défaillant du Tome1)
    En français dans les années 80/90 il y avait relativement peu de méthodes (Assimil etc) mais maintenant c’est bien plus disponible (en tout cas jusqu’au niveau JLPT N3)
    Pratique du Japonais me semble un peu plus actuel (un peu seulement) mais on peut aussi voir ça comme ça, du neuf avec du vieux.
    Le nombre d’apprenant de moins de 30 ans qui débutent avec cette méthode ne doit pas être énorme.
    Souvent on est dirigé par les professeurs qui choisissent une méthode, des livres (ou donnent des feuilles en copies) .
    J’avais eu Japanese for Busy People (bof) en Anglais et Shin Nihongo no Kisoo. Bien avant Minna no Nihongo.
    En autodidacte pour atteindre une base de “tourisme” je suppose les gens prendront Assimil, Genki ou des livres de débutant souvent fait par des non japonais (Fontanier, Mariet etc)

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