Table des matières
Introduction
Manuel de Japonais Volume 1 est le second ouvrage que j’ai utilisé à titre personnel pour mon apprentissage du japonais après 40 leçons pour parler japonais. À l’époque (2006), il était décrit comme une référence pour l’apprentissage de la grammaire japonaise. D’ailleurs, contrairement aux autres méthodes de langue que j’ai présentées jusqu’à maintenant, il est uniquement centré sur la grammaire. Il faut aussi ajouter à ça le fait qu’il n’y a qu’un seul auteur et japonais de surcroît : Kunio Kuwae. Ce n’est pas un détail selon moi et j’expliquerai pourquoi par la suite.
À l’heure où j’écris ces lignes, il en est à sa 14ᵉ édition (28 mai 2011) et celle que j’ai utilisée pour cette critique est la 6ᵉ (12 mai 1986). Je précise aussi qu’il est désormais fourni avec un CD MP3 que je ne possède pas. Enfin, bien que ce Manuel de Japonais soit composé de deux volumes qui se suivent (le Volume 2 commençant à la page 457), j’ai décidé de vous proposer deux critiques séparées.
Après vous avoir décrit en long et en large ce Volume 1 (structure des leçons, méthodologie utilisée…), voici les questions auxquelles je vais tenter de répondre ici :
- À qui conseiller ce manuel de japonais ?
- À quel niveau de JLPT prétendre après avoir l’avoir terminé ?
- Peut-on le considérer encore comme une référence en 2025 ?

1) Description de l’ouvrage par Kunio Kuwae et cible visée
J’avoue être bien embêté ici : alors que jusqu’à maintenant, j’ai toujours trouvé un avant-propos ou bien une présentation de la méthode par son auteur, il n’y a rien à se mettre sous la dent avec Manuel de Japonais Volume 1. Enfin, si : une préface signée par Jacqueline Pigeot (ancienne professeure de japonais). Celle-ci donne le contexte en indiquant qu’avant la sortie de ce manuel (en 1979 pour la première édition), il n’y avait pas de matériaux pédagogiques décents. Les étudiants devaient se contenter soit d’ouvrages trop techniques, soit de ressources en anglais.

Ainsi, Manuel de Japonais Volume 1 viendrait combler cette lacune en offrant une grammaire “à la fois claire et précise” aux débutants. D’autre part, comme il se veut plutôt exhaustif, il conviendrait également aux japonisants confirmés. Dans tous les cas, comme nous allons le voir, cette méthode se veut progressive et se parcourt donc dans l’ordre de préférence. Bon, comme il n’y a rien d’autre à ajouter, passons au vif du sujet !
2) Structure et contenu des leçons de Manuel de Japonais Volume 1
Avant d’arriver à la leçon 1, Kunio Kuwae vous propose 38 pages à propos de la prononciation (voyelles, consonnes, semi-voyelles, accent…) du japonais, de sa structure syllabique, de son écriture (hiragana et katakana) et de ses principales caractéristiques typologiques. On peut dire que cette partie est facultative puisqu’il y a de toute façon la transcription en rômaji de toutes les phrases japonaises présentes dans les deux tomes.
Mais si vous voulez vous rafraîchir ou que vous souhaitez approfondir certains points (c’est vraiment exhaustif pour le coup), cela pourrait vous être utile. Sans transition, intéressons-nous dès à présent à la leçon 1 qui est centrée sur la copule です (desu).
A) Plan d’une leçon type
Le début de chaque leçon de Manuel de Japonais Volume 1 est plus ou moins identique : l’auteur donne une phrase d’exemple et donne tout de suite des explications grammaticales plus ou moins longues. Pour cette leçon 1, on a ainsi comme première phrase “これは本です。”(Kore wa hon desu. “Ceci, c’est un livre”) avec des informations données sur chaque mot. Il n’est donc pas question ici de faire appel à votre inférence : tout est présenté de façon explicite.

On se trouve de fait dans une approche explicite et déductive traditionnelle : la règle est explicitée, plusieurs phrases d’exemple sont données et c’est à vous ensuite d’assimiler et d’appliquer. Pour rappel, c’est totalement implicite (aucune règle présentée) dans Marugoto Starter A1. La leçon se devise ensuite en plusieurs sous-items qui débutent aussi par une explication ponctuée de (nombreuses) phrases d’exemples.
Concernant cette première leçon, il s’agit des pronoms démonstratifs d’objet (kore/sore/dore/are), de la particule finale –ka, de la forme négative de wa arimasen, des suffixes personnels (-san, -kun…), de la particule no… C’est bien de la grammaire morphosyntaxique : les mots sont classés par “nature grammaticale” (adjectifs, verbes, particules…) et autres critères structurels.
Autant vous prévenir tout de suite : n’espérez pas parcourir complètement une leçon en une session d’une heure ! Heureusement, il y a des exercices distillés au fil des notions qui vous permettent de faire le point et on en trouve pas moins de 5 dans cette leçon 1. Le schéma de ces exercices est toujours identique : phrases à traduire vers le japonais (thème) et phrases à traduire vers le français (version). Pas de doute, c’est bien la méthode grammaire et traduction que j’avais déjà présentée avec le livre 40 leçons pour parler japonais.

B) Analyse de la présentation et des phrases japonaises
Je vais commencer par la présentation : ce qui est plutôt sympa avec Manuel de Japonais Volume 1, c’est la présence de japonais en écriture manuscrite. Oui, vous avez bien lu : Kunio Kuwae s’est donné la peine d’écrire à la main chaque phrase d’exemple (katakana+hiragana+kanji). La phrase transcrite en rômaji (à l’ordinateur cette fois) est présente à droite, ce qui fait qu’on peut la cacher avec la main. Je me souviens avoir utilisé cette technique à l’époque pour me forcer à lire du japonais véritable (hé hé).
Autrement, toujours concernant la présentation, il faut reconnaître qu’elle est plutôt austère. Cela ne m’a pas gêné à titre personnel, mais il faut aimer lire et se farcir des paragraphes entiers d’explications. Parfois, les phrases d’exemple sont quand même un peu redondantes, notamment dans la partie sur les chiffres. Admirez :

Intéressons-nous maintenant au japonais utilisé dans le manuel Phrases d’exemple isolées oblige, on peut logiquement parler ici de grammaire décontextualisée. Par conséquent, même si Kunio Kuwae évite soigneusement de “forcer le trait” en précisant dès le départ qu’il faut être parcimonieux avec anata (oui, ce mot est la pierre angulaire de toutes les méthodes de japonais !), il n’en reste pas moins que les phrases proposées sont “fabriquées pour faire retenir la règle“. Elles sont donc pour une bonne partie descriptives et pas toujours très “naturelles”.

Je vais prendre pour exemple le phrase “机の上に本があります。その本の上には雑誌があります。 (tsukue no ue ni hon ga arimasu. Sono hon no ue ni wa zasshi ga arimasu.)”. Traduction : “Il y a un livre sur le bureau. Il y a une revue sur le livre”. C’est typique “livre de grammaire traditionnel”, mais heureusement, on trouve aussi à côté des propositions oralisées plus vivantes et spontanées. Pas facile de jongler entre l’efficacité didactique et l’authenticité linguistique !
C) Analyse des explications grammaticales données par Kunio Kuwae
Il m’a semblé utile de traiter à part le fond des explications grammaticales de l’auteur de Manuel de japonais Tome 1 puisqu’elles valent le détour. Ce que j’avais adoré à l’époque en parcourant cet ouvrage, ce sont les comparaisons généralement bienvenues entre le japonais et le français. Kunio Kuwae n’hésite donc pas à rappeler les spécificités de chaque langue en prenant la peine de décrire chaque terme grammatical. Il y a par exemple une explication sur le mot “prédicat” à la page 54 qui m’avait bien été utile à titre personnel.
On sent néanmoins parfois une sorte d’implication personnelle à vouloir “rétablir la vérité sur le japonais” et je sais que mes professeurs à l’Inalco (fac de japonais) n’étaient pas tous fans de ce parti-pris. On lui a notamment reproché d’être essentialiste et j’ai du coup été attentif à cela. J’ai trouvé ce passage à la page 70-71 qui peut effectivement prêter à confusion :

La partie à la page 71 “elle provoque des ambiguïtés sur le plan syntaxique non pas pour les Japonais, mais pour les étrangers.” est un peu étrange selon moi. On sent dans tous les cas qu’il tenait à affirmer “non, le japonais n’est pas ambigu !” coûte que coûte et j’imagine qu’il y a du y avoir quelques exagérations à ce sujet pour qu’il tienne cette position.
En dehors de ça, pour repartir sur une note plus positive, il n’est pas rare qu’il compare deux phrases japonaises qui se ressemblent afin de mettre en exergue les subtilités de la langue. Personnellement, c’est ce que je préfère et ça m’est d’ailleurs arrivé d’y avoir recours sur Kotoba ! 🙂

3) À qui conseiller ce manuel de japonais ?
Pour éviter de partir dans tous les sens dans cette critique, je me suis dit que ce serait mieux de me contenter de répondre à des questions simples. Celle-ci est néanmoins plus complexe qu’elle n’en a l’air puisque malgré le relatif optimisme de la préface, on peut difficilement conseiller Manuel de Japonais Volume 1 à un débutant complet. Les forums que j’ai pu consulter étaient d’ailleurs unanimes à ce sujet : il vaut mieux avoir quelques bases solides avant de s’y attaquer afin de ne pas se décourager rapidement.
J’en veux pour preuve la première leçon : celle-ci est vraiment très dense avec la forme affirmative polie (présent + passé), la forme négative polie (présent + passé), plusieurs particules (wa, ka et no), sachant que 9 usages différents sont présentés pour no. Certes, l’auteur n’est pas complètement exhaustif dès le départ puisqu’il revient bien sûr dans les leçons d’après sur certains points déjà vus pour les approfondir. Toutefois, il faut bien connaître tous les mots présentés pour réaliser les exercices de traduction (qui sont loin d’être aisés), ce qui nécessite une certaine rigueur.
C’est pourquoi je conseillerais cet ouvrage aux faux débutants (j’ai toujours ADORÉ cette expression) qui ont déjà des connaissances en japonais et qui voudraient consolider leurs bases. Je peux dire de mon côté que j’étais content d’avoir fait 40 leçons pour parler japonais juste avant !
4) À quel niveau de JLPT prétendre après avoir fini ce Volume 1 ?
Je précise tout de suite qu’il n’est question ici que des compétences grammaticales de l’examen du JLPT. Au vu de la densité de la leçon 1 et sachant que ce premier volume comprend 19 leçons, vous devez probablement penser “niveau JLPT N4 au moins !”. Afin de ne pas donner un ressenti au pifomètre, je me suis amusé à récupérer sur un site (JLPT Go) la liste des points de grammaire du N5 et du N4. Je les ai ensuite cherchés un à un dans le manuel, ce qui était très fastidieux.
Heureusement, il y a une table des matières à la fin de chaque volume qui permet de gagner un peu de temps. Voici donc le résultat :

Oui, je sais : il n’y a pas vraiment de “liste officielle de points de grammaires” et on trouve des différences en fonction de la source. Toutefois, cela permet de se rendre compte que la progression dans ce manuel suit sa propre logique interne qui ne tient pas forcément compte de la fréquence des expressions grammaticales employées. Par exemple, la forme volitive (tai) que l’on apprend habituellement assez rapidement pour dire “je veux/je souhaite” n’est enseignée qu’à la 34e leçon (tome 2).
Il ne faut pas oublier aussi qu’il s’agit essentiellement dans ce manuel de japonais écrit. Alors qu’avec le JLPT, on est assez rapidement confronté à des situations de la vie quotidienne avec des expressions oralisées. Pas étonnant alors de constater l’absence de 15 points de grammaire (sur 48) pourtant présents dans l’examen du JLPT N5. Je vous rassure cependant : en finissant le Volume 2, vous serez prêt pour le N5 et N4 (et même davantage). J’y reviendrai lors de sa critique ! 🙂
5) Manuel de Japonais Volume 1 est-il toujours une référence en 2025 ?
Si je pose cette question, c’est en partie parce que ce premier volume de Kunio Kuwae est paru pour la première fois en 1979. 46 ans tout de même ! J’imagine que certains mots désuets ont été remplacés par d’autres et qu’il y a eu d’autres changements dans les 13 éditions qui ont suivi. Mais on reste sur une méthode “grammaire et traduction” traditionnelle où l’objectif final dans le fond est de maîtriser toutes les règles de grammaire présentées dans le livre.
Rappelons que cela ne va pas forcément de soi puisqu’on essaie plutôt aujourd’hui d’intégrer la grammaire dans des tâches avec des objectifs plus pragmatiques : écrire un texte de présentation, répondre à un mail… Cela permet de mieux assimiler les règles de grammaire. Si vous décidez par exemple de suivre les leçons de Manuel de Japonais Volume 1 dans l’ordre en vous contentant des exercices présents dans l’ouvrage, vous risquez d’en oublier une partie en cours de route. Il faut donc avoir une démarche active en se forçant à réutiliser les structures grammaticales fraîchement acquises.
En dehors de ça, ce manuel est selon moi encore très pertinent en 2025 puisque les explications sont claires et les nombreuses phrases d’exemple aident bien à intégrer la grammaire japonaise. Que ce soit dans un but de révision ou d’approfondissement de la langue, on peut le considérer comme une ressource précieuse. Et même si certaines personnes pointent du doigt son côté “verbeux”, il demeure bien plus accessible à mons sens que Grammaire Japonaise Systématique (Reïko Shimamori).
Conclusion
Au final, je pense qu’on peut ranger Manuel de Japonais Volume 1 dans la catégorie des “bonnes méthodes”. D’une part, les explications très fournies et pertinentes de son auteur, Kunio Kuwae, permettent de mieux appréhender les particularités de la grammaire japonaise. D’autre part, les phrases d’exemple traduites en français ont une réelle utilité pour intégrer les règles présentées. Enfin, comme tous les exercices (thème et version) disposent de leur corrigé, on peut envisager un apprentissage en autodidacte avec ce manuel. C’est d’ailleurs comme cela que j’avais procédé à titre personnel.
Une fois ceci dit, il faut reconnaître que ce manuel est difficilement conseillable à un débutant complet en japonais puisque cela s’enchaîne très vite dès la leçon 1. Certes, chacun est libre d’avancer à son rythme, mais la présentation relativement austère de l’ouvrage ainsi que la relative difficulté des exercices de traduction n’arrangent pas vraiment l’affaire.
Ensuite, si son approche traditionnelle (= grammaire morphosyntaxique) est rassurante pour des personnes aimant avoir des repères clairs, il vaut mieux compléter par des ressources authentiques (dramas, livres, podcasts…) pour vraiment s’approprier les différentes règles. Cela vaut surtout pour les apprenants ayant décidé de suivre les leçons dans l’ordre. Sur ce dernier aspect, Parlons Japonais A1 me semble plus “formateur”. En effet, les objectifs proposés (écrire un mail de présentation, proposer quelque chose…) permettent plus facilement de réutiliser soi-même les structures fraîchement apprises.
Dernier reproche : son prix élevé (près de 75 euros neuf) qui fait tout de même un peu réfléchir !
Points positifs :
- Explications détaillées sur la grammaire japonaise qui aident à mieux l’assimiler.
- Comparaisons entre le français et le japonais pertinentes pour comprendre les subtilités des deux langues.
- Phrases d’exemple en grand nombre avec du japonais en écriture manuscrite s’il vous plaît !
- Apprentissage en autodidacte possible grâce aux exercices de thème de traduction qui ont des corrigés
Points négatifs :
- Un apprenant totalement débutant rencontrera quelques difficultés (présentation austère, progression relativement rapide, exercices de traduction peu aisés…).
- Approche traditionnelle (grammaire morphosyntaxique) qui convient surtout aux profils analytiques.
- Prix élevé (autour de 75 euros neuf).
3 commentaires
Ça fait plaisir de revoir un test sur les 3 Kunio Kuwae. Il y a beaucoup plus de méthode en français pour le japonais qu’il y a 30 ans vous deviez vous coltiner de l’anglais. Pour moi je préfère soit une méthode japonaise soit au moins comme ici que soit un auteur japonais.
Pour certains une vraie bible.
Pour d’autres une méthode antédiluvienne.
L’intérêt est sans appel, mais refaites la forme SVP. Ecriture,, impression , dessin.
J’ai eu diverses méthodes NHK World Japan le Japon en douceur (j’ai Aimé) et en cours Shin Nihongo no Kisoo, Japanese for Busy People,etc des jeunes ont Minna No Nihongo etc
Je suis 13x au Japon entre 1992 et 2024, malheureusement je suis pas très studieux donc mon niveau reste JLPT 4 de l’ancien système. Je vais acheter ces trois bouquins qui me fascinent assez mais je me demande l’éditeur les publie toujours. Même si à 52 ans je vais plus encore aller 10 fois au Japon…….
Je me réjouis de lire votre test pour le tome 2.
C’est vous qui avez écrit cette critique sur Amazon j’imagine, je suis tombé dessus lors de mes recherches ! 🙂
Pas évident d’être studieux uniquement avec ce type d’ouvrage, il faut multiplier les ressources de toute façon.
Pour le Volume 2, j’espère poster un test durant le mois de mai ! 🙂
Merci beaucoup de votre réponse rapide. Il y a longtemps que je n’ai plus de cours en école du soir comme à l’époque. (C’était sur Japanese for Busy People puis Shin Nihongo no Kisoo)
Effectivement j’avais entendu que c’était bien de varier les méthodes. Ayant 52 ans le style rudimentaire des Kunio Kuwae me dérange pas trop mais effectivement quand on voit des livres comme ils sont fait maintenant c’est vraiment antédiluvien.
Même si il y a parfois de bonnes méthodes j’ai un peu de peine avec celles qui sont faits par des non japonais comme Assinil, le livre chez Issekinicho etc
Bien que mieux vaut une méthode moyenne qu’on travaille régulièrement qu’une excellente qui reste dans la bibliothèque.
Les Kunio Kuwae peut-être suffisant pour les Hiragana et katakana mais peu pour les Kanjis car ils sont énoncés un peu dans un désordre.
J’ai lu sur un site que ce monsieur était professeur en France (certains étudiants l’ont eu) mais il doit être vraiment âgé maintenant et malheureusement je doute que les livres soient revu complètement au niveau design je me demande même si ils sont toujours publiés.
Les plus utilisés et connus semblent toujours les Minna no Nihongo qui ne reviennent pas forcément meilleur marché si on achète toute la série.