Le japonais dans tous les sens

Anata (貴方) : toi, viens par là…

Il s’agit du premier mot japonais avec lequel j’ai commencé à apprendre l’écriture du syllabaire Hiragana : あなた (anata). C’est en effet durant les vacances scolaires d’été en seconde que j’ai acheté le livre “40 leçons pour parler japonais“. Dans celui-ci (que je ne recommanderais plus aujourd’hui), on nous donne la traduction “toi” au début puis “tu”. Pas l’ombre d’une autre explication, on se dit alors “ah tiens, le japonais fonctionne comme le français, c’est transposable alors”.

C’est bien entendu une erreur et on va voir aujourd’hui en quoi l’usage de ce mot est beaucoup plus complexe et restreint qu’on ne l’imagine.

Origine du mot anata et évolution de son usage

Anata est un terme qui autrefois s’employait surtout à l’écrit. Durant la période Heian (794-1185), on l’écrivait en kanji 彼方 avec un sens radicalement différent de celui d’aujourd’hui. Il s’agissait en effet de “la personne au loin” (あちらの方 achira no kata), ce qui était assez proche de “il/elle”. Ce n’est qu’à partir de la fin du 18e siècle qu’il a évolué vers un indicateur de la seconde personne avec donc le sens “tu/vous”. C’est aussi à cette époque-là que l’écriture 貴方 (où 貴 porte le sens de “estimé/respecté”) a commencé à apparaître. J’en profite d’ailleurs pour dire que celle 貴女 (女 = femme) est également possible quand on est sûr qu’il s’agit d’une femme, mais reste marginale.

Si j’ai écrit “indicateur de la seconde personne” et non “pronom personnel de la seconde personne”, c’est parce qu’il ne s’agit pas d’un pronom. Je vous renvoie à ma vidéo YouTube si vous voulez plus d’explications. J’insiste là-dessus, car si on apprend ça comme un pronom, on ne comprend pas bien du coup pourquoi anata peut aussi être une appellation affectueuse. C’est le cas en particulier avec l’épouse envers son mari qui peut l’appeler anata comme nous on dirait “chéri”. Moi j’avoue que quand j’ai eu vent de cet usage (qui a quasi disparu de nos jours), cela m’a fait un drôle d’effet. Passer soudainement de “toi” à “chéri”, ça interroge !

Certaines personnes âgées emploient encore “anata” pour dire “chéri”. 🙂

Plusieurs études semblent indiquer autrement que anata a perdu en “politesse” au cours de ces dernières années. C’est-à-dire qu’on pouvait encore l’employer à des personnes de rang supérieur que nous (professeur, patron…) au début du 20e siècle. De nos jours, c’est plutôt avec des personnes de rangs égaux (amis) ou inférieurs (petit frère, parents envers les enfants…). On pourrait s’arrêter là en disant que c’est plus proche de “toi/tu” que de “vous”. C’est en partie vrai, mais j’ai souhaité vous exposer un article récent de 2016 pour vous montrer que son usage est beaucoup plus restreint qu’on ne le pense.

Dans quels cas emploie-t-on anata de nos jours ?

L’article présente une étude réalisée à Tokyo avec uniquement des Tokyoïtes japonais. Ils étaient au nombre de 428 personnes (193 hommes et 235 femmes) avec un âge allant de 18 à 69 ans. Je ne pense pas qu’on peut considérer ça comme représentatif de la population japonaise, mais cela donne déjà une bonne base. Son but était d’avoir une idée plus précise de l’usage d’anata dans la population et de comment il était perçu. Les chercheurs ont alors compilé les données en fonction du rapport avec l’interlocuteur (rang supérieur, égal ou inférieur).

Déjà sans surprise, on apprend qu’en moyenne, 93,6% des interrogés affirment ne pas employer anata avec quelqu’un de rang supérieur. La première raison invoquée est le “manque de respect”. Cela signifie notamment qu’avec son père, on ne prononce quasiment jamais anata, mais お父さん (otôsan) par exemple. Pareillement, si vous croisez une personne âgée dans la rue qui perd son portefeuille, il va falloir ruser en disant ちょっと (chotto “hep !”) ou encore すみません (sumimasen “excusez-moi !). Envers une personne de rang inférieur maintenant, on tombe à 67,6% des interrogés qui ne l’emploient jamais. Enfin pour le rang égal, le chiffre diminue à 62,9%.

あなたは何をしましたか (anata ha nani wo shimashita ka) : qu’est-ce que t’as fait ?

En réalité, anata est loin d’être simple à placer. Quand c’est un ami ou une connaissance, on va préférer utiliser son nom avec un suffixe (san, chan, kun…). Il est en effet jugé trop “solennelle” et met une certaine distance.

Si on demande aux Japonais maintenant dans quels cas ils emploient anata, il y a une tendance qui revient. C’est lorsqu’on souhaite donner un ton solennel à la conversation. Par exemple un ami qui donne un conseil, une mère qui gronde son enfant, un professeur qui fait la morale. On cherche à dire “là, c’est un moment particulier” en quelque sorte. Par contre, le fait de balancer à un supérieur anata, cela traduit davantage une rébellion/dispute. Comme pour lui signaler “j’ose employer ce mot inhabituel”.
あなたと関係ない ! (anata to kankei nai !) : ça n’a aucun rapport avec toi !

Voilà, vous comprendrez pourquoi je trouve cela ridicule de traduire “anata” par “toi/vous” sans donner d’explications derrière. D’ailleurs, les Japonais trouvent également bizarre d’y recourir en traduction de you. Mais quand on enseigne une langue comme si elle possédait le même système qu’une autre, c’est sûr qu’on ne peut pas vraiment faire mieux…

Sources : gogen-allguide (étymologie), jstage.jst (article en japonais)

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15 Responses

  1. Merci pour ses explications.
    Je ne suis pas sure qu’anata soit si “malpoli” que cela. J’ai remarqué par exemple que c’est généralement le terme employé pour s’adresser poliment à un inconnu à l’écrit (dans les enquêtes d’opinions par exemple, ou même certains papiers administratifs). Mais on est bien d’accord, c’est un mot très complexe

    1. Alors effectivement, je n’ai évoqué ici que les communications orales car l’étude ne portait pas sur l’écrit.
      Vous avez totalement raison, à l’écrit, son usage est beaucoup plus “neutre” et on peut varier entre l’écriture en hiragana あなた et celle en kanji 貴方 en fonction du ton qu’on veut donné (c’est plus formel en général avec les kanjis). Cela s’explique notamment par le fait que le locuteur est parfois invisible à l’écrit (un sondage par exemple), donc il n’y a plus de rapport hiérarchique établi. De plus, quand c’est un sondage, on est obligé d’avoir un terme général pour s’adresser à tout le monde et on n’a pas le choix d’utiliser autre chose qu’un indicateur de la personne (dans ce cas, anata vaut mieux que kimi, omae et autres).

      Après à l’oral, c’est pas forcément “impoli” non plus, c’est juste qu’on le perçoit pas comme une appellation habituelle comme celle où on a recourt au nom de l’interlocuteur. Donc c’est pratique pour attirer l’attention de quelqu’un quand on veut lui dire quelque chose d’important. C’est plus “direct” quoi mais pas forcément impoli. En tout cas, on est loin de l’idée anata = tu/toi, c’est là-dessus que je voulais insister. ^^

  2. Rien à voir, mais vous avez fait une faute de français dans “j’ose employé ce mot inhabituel”…

    Pour pas être complètement hors sujet, je propose une belle illustration d’un あなた affectueux. Comme pour confirmer ce que vous dite, ça date un peu (1967).
    https://www.youtube.com/watch?v=oou1UmrDlyg (à 2:15) (attention, un peu graphique)

    1. C’est corrigé, merci ! 🙂

      Intéressant, ça me permet d’apporter également quelques précisions sur l’usage d’anata affectueux. L’article précise que c’est un usage très conservateur (保守的 en japonais) et qu’en gros, on l’utilise surtout au théâtre/cinéma comme stéréotype de l’épouse qui ne fait pas de bruit. Donc c’est clair que maintenant, cette image est un peu dépassée… ^^

      J’en profite pour rajouter qu’entre amis, anata peut aussi s’employer quand on blague/s’amuse. Par exemple, あなた、よく食べるね ! (anata, yoku taberu ne !) “oh, tu manges bien toi !”. Cela rejoint un peu le “moment particulier” même si ça reste assez flou. C’est difficile de résumer tout cet article en un seul article, puis je pense que le mieux, cela aurait été d’avoir un échantillon basé sur des conversations réelles au Japon. Là on demande un peu aux gens de se rappeler comment ils utilisent anata donc c’est largement perfectible. En tout cas ça m’a fait rire d’apprendre que quand un enfant japonais se fait dire “anata”, il y a pas mal de chances apparemment qu’il pense à une remontrance. C’est tellement différent de l’image qu’on s’en fait. ^^

    1. Oui, je ne l’ai pas évoqué non plus mais à l’oral, il arrive souvent qu’on contracte あなた en あんた. Notamment dans les situation où on se moque.
      あんた、すごいね ! (anta, sugoi ne !) = alors toi, t’es incroyable !
      Après j’y ai pensé après coup mais on peut y voir aussi une sorte d’usage “affectueux” moins fort que celui de “chéri”. Bref, l’auteur de l’article indique lui-même que ça mériterait davantage d’études plus précises encore. En tout cas, les phrases qu’on apprend des fois en grammaire du type “私は元気、あたたは ?” , on ne le les entend quasiment jamais j’imagine.

      1. Merci pour cet article très instructif. C’est exactement ce mot qui m’a ramené ici.

        En langue arabe, “toi” se dit “anta” (en prononçant le “n”).

        1. Intéressant, j’ai écouté la prononciation sur ce site (https://www.arabetunisien.com/traduction/FR/toi) et ça ressemble effectivement à la contraction du anata japonais en anta (quelqu’un l’a mentionnée dans les commentaires). On entend plutôt “enta エンタ” après, mais j’imagine qu’il y a des variations régionales.

          En tout cas, le fait qu’il y ait dans deux langues éloignées deux mots avec une prononciation et un sens similaires est moins rare qu’on ne le pense j’imagine. Simple question de statistique j’imagine, même si c’est toujours intéressant à signaler ! 🙂

  3. Merci pour cet article super intéressant ! C’est bien de casser le préjugé sur ce mot sur moi même j’avais encore en tête jusqu’à maintenant (équivalent de tu/vous). Je prends conscience de l’importance du nom de l’interlocuteur à la place d’un “anata”, et si je comprends bien il va falloir ruser dans certaines circonstances où l’on ignore le nom de l’interlocuteur pour bien contextualiser sans être impoli 😛
    Du côté de あなた達 (anata-tachi), est-ce qu’il serait possible de savoir si ce sont les même règles ? (j’imagine bien des remontrances à un groupe d’enfants à base de あなた達)

    1. Ah ah, j’ai oublié de le rappeler sinon mais dans la conversation de tous les jours, on arrive la plupart du temps à discuter sans avoir à désigner l’autre directement. Donc moi avec les japonais que je connais, je n’emploie souvent ni anata, ni le prenom + suffixe. Si vraiment j’ai oublié le prénom et que le contexte l’exige, c’est plus compliqué par contre. Ce qu’on peut dire, c’est que la faible fréquence de son emploi influe sur la perception que les gens en ont. Ce n’est pas un “passe partout”, c’est évident. ^^

      Et pour あなたたち justement (bonne question), l’auteur en parle très brièvement à un moment. Il cite justement un contexte avec des enfants où lorsqu’on leur dit “anatatachi”, c’est le “premier stage”. Selon l’auteur toujours, ils se disent dans leur tête “あ、始まった、始まった…” (ça commence, ça commence…). Donc ils s’attendent à être attentif.

      Maintenant あなたたち, je crois que c’est vraiment anata+tachi et que c’est une construction récente, un peu comme わたしたち. Pour les trouver dans les dictionnaires japonais classique, il faut aller à l’entrée “tachi” donc on ne les considère pas vraiment comme des mots à part entière. Pourtant dans les manuels comme 40 leçons de japonais, on les apprend comme s’ils étaient la norme mais ils sont loin d’être courants à l’usage.
      Voici ce que donne Weblio pour anatatachi : “indicateur de la deuxième personne du pluriel pour s’adresser à plusieurs personnes. Ce qu’utilise le professeur pour s’adresser à plusieurs élèves par exemple”. Donc là encore, on donne l’exemple du professeur, je me demande s’il y a beaucoup d’autres cas (un parent envers ses enfants quand il a envie d’avoir leur attention ?).

      Merci pour cette question ! 🙂

  4. Article super intéressant !
    Tu dis ne plus recommander “40 leçons pour parler japonais”, que recommanderais-tu a la place du coup? J’ai vraiment envie de commencer à apprendre le japonais sérieusement 😉

    1. Lorsque je suis allé en France en juillet, j’en ai profité pour ramener au Japon mes anciens manuels de japonais dont ce “40 leçons pour parler japonais”. Je savais qu’il n’était pas parfait mais en le relisant, je me rends compte qu’il est carrément mauvais. Je crois que ça s’explique simplement, ils ont simplement choisi d’expliquer le fonctionnement du japonais en cherchant à ce que ça colle avec le système grammatical du français. C’est probablement plus simple d’expliquer comme cela (encore que…) mais ça donne un japonais totalement artificiel avec des phrases qui ne sortiraient jamais de la bouche d’un natif. Par exemple pour la “bonne réponse” d’un test, on a “watashi ha kinô anata ni denwa shimashita”. comme traduction de “je vous ai téléphoné hier”. C’est quasiment impossible de voir deux indicateurs de la personne (watashi et anata) dans la même phrase. On aura soit “kinô denwa shimashita”= j’ai téléphoné hier (à vous), soit “kinô anata ni denwa shimashita” = hier, c’est à vous que j’ai téléphoné (pas à un autre) ou encore “kinô watashi ga denwa shimashita” = c’est moi (et pas un autre) qui a téléphoné hier. En locurrence, l’exercice consistait à trouver la bonne particule (ni). Bref, j’arrive pas à comprendre qu’on puisse présenter un japonais aussi peu naturel pour les besoins de l’exercice. Mais il faut savoir que c’était beaucoup le cas autrefois avec la “méthode traditionnelle”.

      Je compte faire un dossier sur les manuels de japonais après l’écriture de mon livre (j’ai envie de mettre l’accent dessus). J’en possède trois différents pour le moment et le seul que je peux recommander (bien que je l’ai pas parcouru encore en entier), c’est “Parlons japonais“.
      Il est tout récent (2016) et il est le seul à ma connaissance à avoir des objectifs reliés au CECRL (cadre européen commun de référence pour les langues). C’est à dire qu’il préconise une approche basée sur la communication en privilégiant un japonais naturel. Là je viens de lire le premier dialogue de la leçon 1 par exemple et il n’y a aucune trace de “anata”, ah ah. Donc je confirme, c’est du japonais naturel. Je m’interroge juste sur son accessibilité, il est précisé qu’il est destiné à des francophones qui apprennent seuls mais le rythme me semble assez rapide. Il vous est possible de télécharger un extrait ici pour vous faire une idée : https://www.pug.fr/produit/1301/9782706125898/parlons-japonais-a1

      Enfin son prix n’est pas élevé (25€ avec CD en plus), je rappelle que “manuel de japonais” coûte 75 euros neuf. Celui-là aussi, même si on l’érige souvent en référence, il me semble qu’il n’est pas exempt de défauts. Mais je n’en dis pas plus ! ^^

      1. Merci beaucoup pour cette réponse extrêmement détaillé et qui complète bien l’article! Effectivement, je préfère largement l’apprentissage d’un japonais naturel, même si j’avoue que c’était quelque chose qui ne m’avait initialement même pas traversé l’esprit, mais après avoir lu ton article c’était devenu une évidence ahah! Donc je pense me laisser tenter par celui que tu recommandes en attendant ton dossier 🙂

        J’ai vraiment hâte de m’y mettre, merci encore!

        1. C’est sûr que moi quand j’ai débuté le japonais, je pensais pas du tout à ça.
          Surtout quand on a pas vraiment étudié une langue étrangère avant car au collège/lycée, on reste encore beaucoup dans l’idée que les langues fonctionnent pareil mais qu’on utilise juste des mots différents qu’il suffit de transposer. Avec cette idée totalement fausse, c’est difficile d’aborder le japonais avec suffisamment de recul. Moi j’ai tout pris pour argent comptant, employé “anata” avec tous les japs que je connaissais, etc. Bon vu qu’on est étranger, ils se doutent qu’on maîtrise pas bien la langue et on est pardonné. N’empêche que c’est pas toujours facile à déceler pour eux et j’imagine qu’ils savent pas toujours très bien comment interpréter ce qu’on leur dit. :p

          Là où j’ai honte, c’est que ce bouquin “40 leçons pour parler japonais”, je le recommandais encore il y a 2-3 ans. Pas parce que je le trouvais bon, j’étais conscient du japonais peu naturel tout du long. C’est juste que je le trouvais accessible donc pas mal pour commencer. Là dessus, c’est vrai que si tu suis bien tout ce qui est marqué, tu vas avancer rapidement dans l’ouvrage. Je l’avais fini en 40-45 jours moi (une leçon par jours). Cela dit, on peut facilement allier accessibilité et langue naturelle, c’est le cas avec l’enseignement du français (fle). On commence par former des phrases courtes non complexes puis petit à petit… L’important, c’est de se dire au début que c’est pas “grave” si on ne comprend pas tout. Dans 40 leçons pour parler japonais, on a l’illusion de tout comprendre car ils font exprès de n’utiliser que les mots qu’on a vu en donnant un sens (imprécis d’ailleurs) pour chaque mot nouveau. Cette méthodologie est plus appliquée de nos jours, on donne des énoncés en langue naturelle en indiquant le sens de manière globale (on réussi à inférer avec le contexte en général) sans trop entrer dans les détails. Bien sûr, on met quand même l’accent sur les mots importants.

          Bref, faut juste réussir à intégrer que c’est pas grave si on comprend pas tout dés le départ. Les enfants fonctionnent exactement pareil d’ailleurs, ils vont d’abord porter leur attention sur les mots de vocabulaire importants et seulement après, ils vont intégrer ce qu’il y a autour, c’est à dire les tournures de phrases et la grammaire. Je sais bien qu’un adulte fonctionne pas exactement comme un enfant mais j’ai tendance à croire que quand on apprend quelque chose, ça se fait au fur et à mesure, que c’est à force de voir le mot ou l’expression employés qu’on finit par la retenir et pouvoir l’utiliser. Pas en une fois dés le début avec un sens imprécis en plus.

          Voilà, bon courage à toi !

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