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Les keisei moji (形声文字)

Les 形声文字 (keisei moji) sont les caractères chinois que l’on décrit comme des idéophonogrammes. On parle ainsi d’une composition phono-sémantique avec la présence d’un radical sémantique et d’un composant phonétique qui donne la prononciation (d’origine chinoise) du caractère. Par exemple, dans le caractère 海 (“mer”), on trouve la clé de l’eau 水(氵) associée au composant 毎 qui a donné la lecture phonétique kai.

Cette catégorie étymologique de kanji est la plus représentée étant donné qu’il y aurait entre 60% et 90% de keisei moji en fonction du corpus choisi (plutôt 90% dans le cas du chinois moderne).

Exemples courants de 形声文字

Pour que vous puissiez bien comprendre le principe de formation des keisei moji, voici d’autres exemples assez classiques :

  • 河(fleuve) :  氵 (eau) → indique l’idée d’un cours d’eau. 可 → suggère la lecture ka
  • 銅 (cuivre) : 金 (métal) → indique qu’il s’agit d’un métal. 同 → donne la lecture .
  • 町 (ville) : 田 (rizière) → comme les rizières étaient situées en périphérie des villages, on lui a attribué par extension le sens de “village”. 丁→ renvoie à la lecture chô.
  • 僧 (moine) :  亻(individu) → décrit une personne (religieuse). 曽 → donne la lecture .

Comme je l’ai évoqué dans l’article sur les 会意文字 (kaii moji), il est toujours tentant d’associer également un sens au composant phonétique. Cela semble marcher dans certains cas, mais il faut être très prudent avec les procédés cherchant à extraire du sens là où il n’y en avait pas vraiment à l’origine.

Autrement, vous aurez remarqué que dans les exemples présentés, le composant phonétique se trouve à droite. En fait, c’est le cas plus de 80% du temps dans une disposition gauche-droite. Pour une disposition haut-bas (字, 花…), la partie sémantique se trouve le plus souvent en bas.

Pourquoi les keisei moji sont-ils majoritaires ?

Cette question me semble intéressante puisqu’il n’est pas si évident que cela de prévoir une telle domination des idéophonogrammes. Après tout, on aurait pu penser que ça allait être les caractères “purement visuels” (comme les 象形文字 shôkei moji) étant donné qu’ils semblent plus intuitifs. Historiquement, ce sont d’ailleurs eux qui ont vu le jour en premier.

Toutefois, on peut difficilement envisager représenter plusieurs milliers de concepts uniquement avec des dessins simplifiés. Et si l’idée d’associer deux caractères sémantiques pour produire un idéogramme composé (kaii moji) est intéressante, elle a aussi ses limites. Il faut en effet s’accorder sur l’interprétation, ce qui n’est pas toujours gagné.

En fait, on peut postuler que le procédé phono-sémantique est le plus efficace. Car au lieu d’inventer un nouveau symbole unique pour chaque mot ou de s’appuyer sur des combinaisons sémantiques forcées, il est devenu possible de combiner un ensemble limité de classificateurs sémantiques (radicaux) avec un ensemble plus large de composants phonétiques. N’oublions pas au passage que la langue chinoise était parlée avant d’être écrite : la création des keisei moji est alors souvent partie d’un besoin de représenter un mot existant dans la langue orale.

En réalité, il semble que c’était d’abord le composant phonétique qui était sélectionné lors de la création de la plupart des idéophonogrammes : le radical sémantique venait ensuite préciser le sens. Partant de ce constat, on comprend que vouloir à tout prix tirer du sens du composant phonétique n’est pas vraiment justifié.

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