Le japonais dans tous les sens

Wasabi (山葵) : le wasabi, trop piquant pour les jeunes japonais ?

Les japonais comme les français aiment en général parler de nourriture et il arrive toujours un moment où on s’amuse à comparer les goûts de chacun. Ainsi, si vous leur demandez avec défiance “vous aimez le roquefort ?”, il est possible qu’on vous cite le wasabi (山葵) pour vous calmer. En effet, on est assez nombreux (je m’inclus dedans) à ne pas supporter le piquant de ce condiment. Cela s’applique t-il pour autant uniquement aux étrangers ?

Analyse du mot wasabi et popularité chez les japonais

Wasabi s’écrit le plus souvent en kana (わさび ou ワサビ) mais vous pourrez le trouver avec les kanjis 山葵. Littéralement “malvacées (famille de plantes) des montagnes“, ceux-ci ont été choisis sur le tard pour leur sens. Car la prononciation wasabi viendrait apparemment de la contraction de warusawarihibiku (悪障疼). Ce qui signifie en gros”mauvais-souffrance-peine“. Pas très reluisant ! Pour décrire cette sensation particulière, on dit en japonais hana ni tsunto kuru karasa (鼻につんとくる辛さ) “un piquant qui monte au nez”.

Il existe d’ailleurs une expression idiomatique traduisant bien cette vive sensation. Il s’agit de wasabi wo kikaseru (ワサビを利かせる) littéralement “faire agir le wasabi” et qui signifie “utiliser des mots forts/ébranler”. Concernant sa consommation, on sait qu’elle remonterait au 8ème siècle au moins. Vu que le wasabi possède différentes propriétés (désodorisant, anti-bactérien, anti-moisissure…), il est difficile de savoir s’il était plutôt consommé pour son goût où plutôt pour la recherche de ces effets. Sur le poisson cru en tout cas, il est vivement conseillé d’en utiliser !

Message indiquant que tous les sushis sont ” wasabinuki わさび抜き” c’est à dire “sans wasabi”. On dit aussi familièrement “sabinuki” (サビ抜き).

Cependant, si vous êtes bien attentifs, vous aurez peut être remarqué que de plus en plus de kaitenzushi ne déposent plus automatiquement du wasabi sur les sushis comme autrefois. Le choix est laissé au client de s’en servir ou non. Il existe différentes réponses à ça, d’une part la volonté de s’adapter à toute la famille (enfants inclus). On invoque aussi le fait que les techniques de conservation se sont améliorées par rapport à autrefois. Plus besoin de wasabi donc ! Cependant, une autre tendance semble se dessiner : les japonais seraient de moins en moins friands de ce condiment.

A ce sujet, une étude a été réalisée en 2017 via l’université Gifu. Selon celle-ci, 39% des lycéens interrogés (600 personnes) admettent détester le wasabi. Chez les personnes âgées, ce chiffre est seulement de 14%. Une autre enquête datant de 2013 confirme cette tendance, à savoir que plus la tranche d’âge est jeune, moins le wasabi est apprécié. Vit-il ses dernières heures ?

Sources : Gogen-allguide (étymologies), gifu-u.ac (étude de 2017)

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8 réponses

  1. Wow, quelle révélation… moi qui ai toujours cru que tous les japonais aimaient le wasabi. Et personellement je l’aime bien aussi mélangé avec la sauce de soja pour relever son goût.

    Je me demande si savoir cela va changer ma perception du wasabi la prochaine fois que j’en mangerai ^^

    1. Avec de la sauce soja ? ah ah. Tu m’as tué parce que justement sur l’article Wikipedia.fr, il est écrit “On évitera de le mélanger à la sauce soja, ce qui dénature son goût et montre une mauvaise connaissance des manières de table.” (https://fr.wikipedia.org/wiki/Wasabi).
      Tu montres donc une mauvaise connaissance des manières de table, petit gredin va ! 😀

      Après moi ce qui me fait bizarre, c’est de me dire que le Wasabi a en quelque sorte façonné la cuisine japonaise. Car sans Wasabi, la consommation de poisson cru ne se serait probablement jamais autant popularisé. Et j’imagine qu’on a adapté les saveurs au goût du Wasabi aussi. Donc de le voir disparaître des sushi, c’est un peu cruel quand on y pense ! :p

      Sinon, il aurait fallu peut être comparé les chiffres des enquêtes récentes avec celles d’anciennes datant d’une trentaine d’années. Parce que j’imagine aussi qu’on apprécie aussi le wasabi en devenant adulte, un peu comme le café… Enfin apparemment, ce sont beaucoup de femmes de 20-30 ans qui commandent des sushis sans wasabi. Et c’est vrai qu’avec l’enquête sur les lycéens, c’était surtout les filles qui avaient choisi “je déteste” (49% environ).

      Bref, on verra dans 20 ans comment ça évolue ! Ils vont peut être inventé du wasabi non piquant d’ici là, si ce n’est déjà fait… :p.

  2. Vraiment très intéressant, merci.
    Si je comprends bien donc, à la base la racine de wasabi était notamment utilisé pour ses propriétés anti-bactérienne lors de la consommation d’aliments plus à risques.
    J’ai remarqué lors d’un repas dans un kaitenzushi en Europe que la tenancière “fabriquait” la pâte wasabi à partir d’une poudre en gros sac, et elle rajoutait simplement de l’eau. Je suppose que ce que j’ ai vu doit être une pratique courante dans ce genre de restaurant ou pour les sushis à emporter. Du coup, je me pose la question de l’utilité de ce wasabi à part pour le goût… Je ne sais pas si cette pâte offre aussi les propriétés antiseptiques de la racine, et si oui à quel point elles sont efficaces.
    Je ne condamne pas l’utilisation de cette poudre, la pâte qui en résulte n’a pas un mauvais goût en soi (même si ça n’a peut-être rien à voir avec le vrai goût, je n’en sais rien), ça permet malgré tout de ce faire une idée de ce que c’est de manger ses sushis avec cette saveur typique.

    1. J’aurais pu effectivement avec cet article aborder les différentes formes dans lequel on peut trouver le wasabi. Il y a celle “naturelle” où on le rape, on l’appelle alors 本わさび (honwasabi), littéralement le “vrai” wasabi. Il y a ensuite celle en tube (練りわさび neriwasabi) et celle en poudre (粉わさび konawasabi) où on doit ajouter de l’eau.
      Cette dernière est effectivement souvent proposée dans les kaitenzushi, également au Japon.

      Concernant les effets maintenant anti-bactériens/parasites maintenant, on peut dire que le wasabi en tube et le wasabi nature se valent si on se fie à une expérience réalisée en 1988 (http://www.sanwafoods.co.jp/report/03.html). Celui en poudre nécessite une quantité plus importante pour vraiment agir. Si on mets 2 grammes de chaque, c’est apparemment celui en poudre qui est le plus efficace et plus rapidement. Bref, il a quand même de l’effet mais il faut en mettre un peu plus ou alors attendre plus longtemps (le temps que ça agisse).

  3. Rien que pour un billet tel que celui-ci, la lecture de ton blog est une bénédiction ! Je peux donc continuer à adorer la culture japonaise et assumer ma détestation du wasabi (un joli mot, pourtant ). La relation de son usage à ses propriétés anti-microbiennes est très bien vue ; historiquement, il en va de même pour les épices en Occident, si précieuses et indispensables pour la consommation de nourriture quasi nécessairement faisandée, à tel point que leur recherche a longtemps constitué l’un des moteurs de l’histoire mondiale.

    1. C’est vrai qu’on a tendance à oublier que les épices aussi ont également été utilisées non pas uniquement pour leur goût mais pour d’autres propriétés bien pratiques. Après une fois qu’on prend l’habitude d’en manger, cela passe tout seul, le tout est de savoir bien cuisiner ! ^^

  4. C’est encore intriguant de voir les parallèles linguistiques que l’on peut faire entre les langues et cultures différentes…
    Au Japon “ワサビを利かせる” et nous, “la moutarde nous monte au nez” quand on est prêts à exploser ☺. Les nez semblent universellement sensibles aux effets de la moutarde et du wasabi…

    1. Intéressant de voir qu’en japonais, ce n’est pas la colère que le wasabi procure mais tout de même une “vive émotion”. Les japonais savent apparemment mieux se contenir ! ^^.

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