En France, on a tendance à penser que s’excuser, c’est le contraire de remercier. Pour résumer grossièrement, on remercie quand on est reconnaissant et on s’excuse quand on a causé un tort. On a recours pour chaque situation à une formule bien distincte et cela semble aller de soit. Sauf qu’en japonais, sumimasen (すみません) peut être employé dans les deux cas. Comment l’expliquer ?
Etymologie et fonctions du mot sumimasen
Sumimasen s’écrit habituellement en hiragana すみません. Cette formule dérive directement du verbe sumu (済む) “terminer/finir/achever” dont elle est la forme polie négative. Ce qui explique pourquoi on peut aussi trouver la variante neutre plus rare sumanai (すまない). Littéralement, cela donne “qui n’est pas achevé”. C’est ainsi un sentiment d’inachevé que ressent le locuteur en prononçant sumimasen. Il n’est pas serein car il est dans une position inconfortable.
On va voir maintenant les trois principales fonctions au Japon de cette formule :
Interpeller quelqu’un (vendeur, inconnu, serveur…)
Lorsqu’on souhaite commander ou obtenir un renseignement, il est très courant de commencer par un sumimasen ! C’est pareil en français avec “excusez-moi” et même en anglais “excuse me”. Il semble que cela soit le cas dans beaucoup de cultures. On provoque en effet un dérangement et on est un peu “désolé” pour cela. Dans le cas du japonais, on utilise souvent dans cette situation la forme plus orale suimasen (すいません).
S’excuser (de manière plutôt légère)
Lorsque vous avez commis une erreur, un oubli ou quelque chose sans gravité, vous pouvez utiliser sumimasen/suimasen. La forme sumimasen deshita (polie et accomplie) est également possible avec une nuance très tenue. Attention toutefois à ne pas l’employer avec un supérieur hiérarchique car cette excuse sera considérée comme trop légère. Rien ne vaut la formule môshi wake arimasen à ce moment là.
Remercier, être redevable
Ceci peut paraître étonnant mais dans de nombreuses situations où on s’attend à un remerciement (dômo, arigatô…), on obtient à la place sumimasen. Moi même j’admets que quand un inconnu me tient la porte, je vais plutôt utiliser la dernière formule. J’ai donc inconsciemment été contaminé !
Pourquoi donc des excuses ? Et bien parce qu’on se sent tout bêtement “désolé” d’avoir contraint l’autre à faire un effort pour soi. Il nous a rendu un service mais on ne peut lui rendre la pareille. On lui est alors redevable d’où un sentiment d’inachevé. Cela peut se produire aussi quand on reçoit un joli cadeau comme pour dire “il fallait pas se donner tant de peine pour moi !”.
Vous remarquerez que dans tous les cas, on essaye de se mettre à la place de l’autre. On retrouve ici le kûki yomi (lecture de l’ambiance) où on interprète les pensées d’autrui. Sauf qu’en l’occurrence, l’effet produit est parfois inverse. En s’excusant auprès de l’interlocuteur, il peut en effet se demander s’il a vraiment bien agi. Tous les sites japonais que j’ai pu consulter recommandent ainsi vivement de dire arigatô. Cet emploi de sumimasen va t-il changer pour autant ?
Sources : gogen-allguide (étymologie), matome.naver (résumé des avis des japonais sur la question du remerciement)
2 Responses
Je comprends mieux d’où vient le “すまねえ” que je lis par-ci par-là, c’est “すまない” en argot Tokyoïte ! (déjà entendu “すま” aussi, j’imagine que c’est la même base)
Effectivement oui, j’ai déjà entendu aussi dans le Kansai すまねえ. Il existe également すまん et すんまへん qui lui vient vraiment du Kansai ^^.