Le japonais dans tous les sens

Satogaeri (里帰り) : tu rentres dans ton village sans moi ?

Lorsqu’un mariage entre deux personnes de cultures différentes opère, il y a parfois certaines coutumes que l’un des deux conjoints a du mal à accepter. Alors bien sûr, coutume ne veut pas dire “obligation” mais néanmoins, on est souvent un peu contraint de s’y plier.
Aujourd’hui, c’est l’une d’entre elles particulièrement décriée par les Occidentaux dont je vais parler : le 里帰り (satogaeri).
Je vais dans un premier temps revenir sur le sens originel de ce mot pour ensuite décrire son évolution et enfin aborder les problèmes que cette coutume post-mariage pose.

Prononciation de satogaeri (forvo.com)

Origine et évolution du mot satogaeri

里帰り s’écrit avec le kanji 里 (sato) qui renvoie ici au village et plus largement au lieu de naissance et avec le verbe 帰る (kaeru “rentrer”) à la forme nominalisée 帰り. Ainsi, littéralement, satogaeri signifie “fait de rentrer dans son pays natal” ou plus simplement “retour chez ses parents“. Toutefois, il renvoie à quelque chose de beaucoup plus précis puisqu’en principe, il ne s’emploie que pour les femmes mariées. Et à l’origine, c’est encore plus précis que ça vu que ça correspond à un processus durant le mariage (qui s’étale traditionnellement sur plusieurs jours).

Ainsi, bien qu’il existe différentes formes en fonction des régions, la femme fraîchement mariée rentre le plus souvent chez ses parents vers le troisième jour de mariage. On appelle ça plus précisément le ミツメ (mitsume) et cela dure quelques jours. Il arrive que celle-ci soit accompagnée de son mari et de ses beaux parents. Le but principal étant probablement d’officialiser la séparation avec un dernier au-revoir. J’avais entendu dire qu’autrefois à ce moment là, les parents de l’épouse cassaient son bol histoire de lui indiquer “voilà, tu vis plus ici maintenant”. A vérifier mais en tout cas, cela ne se fait quasiment plus maintenant. 😀

De nos jours, satogaeri a un sens beaucoup plus large et décrit simplement un retour temporaire de l’épouse chez ses parents昨日里帰りしました (kinô satogaeri shimashita) : je suis rentré chez mes parents hier. Pour le mari, on emploie en général d’autres mots comme 帰省 (kisei) ou 帰郷 (kikyô). Le premier décrit davantage une période très courte (s’assurer que tout va bien) alors que le second s’emploie pour une période prolongée en général (vacances). Cependant, pour les hommes japonais mariés et vivant à l’étranger, l’usage de satogaeri est accepté. On peut constater aussi qu’il se répand parmi ceux résidant au Japon. Bref, ce n’est qu’une question de temps à priori ! 🙂

Comme l’indique cette illustration, il arrive évidemment aussi que le mari accompagne sa femme avec le satogaeri.

Mais qu’est ce qui pose donc problème ? Eh bien une coutume assez récente datant probablement d’après guerre : le sulfureux 里帰り出産 (satogaeri shussan).

Description du satogaeri shussan et quelques chiffres

Comme son nom l’indique, satogaeri shussan décrit le fait de retourner chez ses parents durant la période de l’accouchement 出産 (shussan). Attention, je n’ai pas dit “après l’accouchement” car la plupart du temps, le retour se passe avant. Et vous l’aurez bien compris, c’est ce qui dérange le plus : vous imaginez votre femme accoucher loin dans son village natal sans vous à ses côtés ? Surtout que le déménagement a lieu en général un mois avant le terme, ce qui occasionne d’ailleurs un changement de clinique.

Les raisons de ce retour à la maison sont multiples : mari qui travaille (trop) et qui n’a donc pas de temps pour gérer un accouchement, épouse qui a envie de se rassurer avec maman à ses côtés et qui est bien contente de recevoir de l’aide et des conseils… Au final, les sondages d’opinion semblent indiquer qu’environ 60% des épouses japonaises choisissent de faire un satogaeri shussan où à peu près 9% ont lieu après la naissance (2011). Les chiffres sont stables et même en légère baisse (63% en 2002 et 59% en 2011) pour deux raisons principales. La première est d’ordre technique puisqu’il devient de plus en plus difficile de trouver une clinique d’ouverte à la campagne. La seconde est que les modes de vie ont changé et recevoir des conseils complètement dépassés de maman, non merci ! 😀

Ça va aller mon cœur, on s’occupe de tout !

Toujours est-il que je n’ai pas encore abordé le point le plus capital des satogaeri shussan : leur durée. En général, c’est entre un et deux mois (35% des cas, chiffres de 2011). Dans environ 25% des cas, c’est même plus court (moins d’un mois). Mais il arrive quand même que cela dure 3 mois (14% des cas) voire plus de 6 mois (3,2% des cas). Je vous renvoie à l’article sur le mazakon et autant dire qu’à ce niveau là, on peut presque parler de 里帰り離婚 (satogaeri rikon) “divorce après un retour chez ses parents”. 😀
Reste à voir maintenant quels sont les statistiques pour les mariages internationaux. Si vous trouvez des chiffres, je suis preneur ! 🙂

Sources : Kotobank (définitions et origines du mot), chigai-allguide (différences avec les termes 帰省 et 帰郷), feature.cozre.jp (sondage de 2016), allabout.co.jp (chiffres entre 2002 et 2011)

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4 réponses

  1. Merci pour cet article particulièrement intéressant et cette petite porte ouverte sur la façon de vivre au Japon 🙂
    C’est top !

    1. Merci, comme je le disais en réponse à un commentaire sur Facebook, il y avait encore beaucoup à dire sur le sujet ! J’aurais pu creuser sur les raisons de ce retour durant la période de l’accouchement ou encore chercher des retours d’expérience de japonaises. Je me demande par exemple si celles qui partent plus de 3 mois arrivent à gérer leur couple malgré tout surtout quand la distance est éloignée. J’ai même lu des articles parlant de satogaeri shussan lorsque le couple vit à l’étranger. Là par contre, c’est clairement abusé je trouve, je vois mal quelqu’un accepter facilement que sa femme retourne dans son pays pour accoucher… ^^

  2. J’ai vu le cas où belle-maman s’installait en France pendant 2 mois pour “soutenir” sa fille. Il y a des adaptations pour les expatriées…

    1. Ah oui, je n’avais pas pensé à ce cas de figure tiens… Mais ça se passe parfois comme ça chez nous aussi, c’est déjà moins “excluant” pour le mari.

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