Il arrive parfois que l’on cherche à être discret. Cela ne signifie pas forcément qu’on a quelque chose à cacher, il y a simplement des actes qu’il vaut mieux éviter d’exposer en public. Par exemple, s’embrasser devant tout le monde au Japon n’est pas vraiment bien vu. Aujourd’hui, c’est 盗み食い (nusumigui), l’acte de manger en cachette que j’ai choisi de vous présenter. En quoi est-il ambigu ?
Analyse du mot nusumigui et expressions similaires
Si vous étudiez le japonais, il est très probable que vous connaissiez le verbe 盗む (nusumu) qui est souvent présenté en début d’apprentissage avec le sens “voler/dérober“. C’est effectivement celui qu’on lui attribue le plus fréquemment à l’usage, je ne le conteste pas. 自転車を盗む (jitensha wo nusumu) : voler une bicyclette. Ce qu’on oublie de préciser même si cela semble évident, c’est qu’il y a le très fort sous entendu “en cachette” derrière. Car étymologiquement, selon le Nihon Kokugo Daijiten, ce verbe désignait plutôt le fait de “réaliser un acte sans se faire repérer (Kojiki, 712)”. Il est vrai qu’on pense en premier lieu à une mauvaise intention mais ce n’est pas nécessaire. 人目を盗んで会う (hitome wo nusunde au) : se rencontrer à l’abri des regards (litt. “en se cachant du regard des gens”).
Ainsi, l’expression 盗み食い (nusumigui) s’interprète le plus souvent avec le sens “fait de bouffer (食う kuu) sans se faire repérer”. Si vous la cherchez sur le net, vous tomberez principalement sur des photos d’animaux profitant de l’absence de leur maître pour s’emparer ce ce qu’ils peuvent. Encore une fois, c’est assez difficile de dissocier 盗 de l’idée du vol. 猫が台所の魚を盗み食いした (neko ga daidokoro no sakana wo nusumigui shita) : le chat a mangé le poisson de la cuisine en cachette (ou : il l’a volé puis mangé).
Par ailleurs, il existe d’autres expressions reprenant la même structure où on sent à chaque fois que c’est un peu louche. C’est le cas de 盗み読み (nusumi yomi) désignant l’acte de lire (読み) sans se faire repérer. Cela peut être par-dessus l’épaule (un document qu’une autre personne lit) voire une lettre qui ne nous est pas adressée. La logique est la même pour 盗み聞き (nusumi giki) correspondant à l’écoute en cachette de la conversation des autres. ⚆ᗝ⚆
Source : Kotobank (dictionnaires japonais)