Un peu de légèreté aujourd’hui avec un phénomène qui est toujours d’actualité au Japon, le mazakon (マザコン). En français, on pourrait traduire ça par “complexe mère” ou encore “complexe maternel”. Quoi qu’il en soit, il traduit un fort attachement de l’enfant pour sa mère, attachement qui a du mal à se rompre à l’âge adulte. Après un petit point de vocabulaire, on va s’intéresser à l’expression de ce “complexe” au Japon.
Analyse et origine du mot mazakon
Mazakon s’écrit en katakana マザコン et correspond à l’abréviation de mazâ konpurekkusu (マザーコンプレックス). On serait tenté de penser qu’il provient directement de l’anglais mother complex mais ce serait aller trop vite en besogne. Etant donné que les mots konpurekkusu et mazâ étaient déjà connus au Japon, on parle plutôt d’un wasei eigo (和製英語). C’est à dire un mot ou expression inspirée de l’anglais mais formée au Japon. Par exemple, la combinaison magu kappu (マグカップ “mug cup”) qui n’existe pas en anglais.
Dans le cas de mother complex, la confusion est bien réelle car cette expression existe également en anglais. La définition qu’on lui attribue est cependant différente. Le dictionnaire Oxford propose “un complexe d’émotions éveillées chez un jeune garçon par un désir sexuel inconscient pour sa mère“. Pour faire simple, on est assez proche du complexe d’œdipe. En japonais, vu que le terme est rentré totalement dans le langage courant avec l’apparition de mazakon, c’est beaucoup moins technique. On parle simplement de l’attachement excessif/exagéré d’un homme ou d’une femme pour sa mère.
Fnalement, la meilleure traduction semble être “fils/fille à maman“. Car mazakon peut aussi désigner directement l’individu concerné. Ano hito ha mazakon desu (あの人はマザコンです) : cette personne est un fils/une fille à maman.
A propos, pourquoi konpurekkusu ? Et bien quand ce mot a été importé au Japon au début du 20ème siècle, il a pris deux sens principaux. Le premier comme en français est celui du complexe d’infériorité avec la théorie d’Adler. Le second plus propre au Japon est celui de fétichisme/attachement excessif avec l’influence du complexe d’Oedipe de Freud. On trouve donc également fazâ konpurekkusu devenu fazakon (ファザコン) ou encore lolita konpurekkusu devenu lolicon (ロリコン).
Le mazakon au Japon
On va passer maintenant à des cas typiquement japonais de mazakon. Le premier exemple populaire qui a d’ailleurs contribué au succès du terme vient du drama de 1992 Zutto Anata Ga Suki Datta (ずっとあなたが好きだった). Littéralement “je t’ai toujours aimé”. C’est l’histoire d’une héroïne qui se marie avec un fils à maman et qui regrette progressivement son ancien petit ami. Très vite, elle ne supporte plus les caprices de son mari et sa belle mère qui est toujours derrière elle.
Si ce drama a connu un gros succès (34,1% de part d’audience pour le dernier épisode !), c’est en partie parce que ce qu’il décrit n’est au final pas si caricatural que ça. Il faut savoir qu’au Japon, il est assez fréquent qu’après un mariage, la mère de l’époux vienne “aider” à la maison. Et cela peut être vite contraignant, vous imaginez avoir votre belle mère à côté lorsque vous faites la cuisine ? On peut dire que ce sont les restes de la famille traditionnelle d’avant guerre où toute la famille vivait sous le même toit. Selon un sondage paru en 2014, 82% des femmes japonaises interrogées admettent qu’elles hésiteraient à se marier si elle apprenaient que leur conjoint est un mazakon.
Toujours selon le même sondage, 23,1% des femmes en couple sondées ont déjà senti du mazakon chez leur partenaire. Ce qui est intéressant, c’est que les filles à maman sont beaucoup moins pointées du doigt. Pourtant, ce n’est pas plus rare au Japon, loin de là. En effet, ma femme m’a raconté de nombreux cas de patientes de 20-25 ans accompagnées de leur maman pour venir soigner des… boutons d’acné (nikibi). On peut aussi citer les voyages à deux avec maman chérie. Ah, l’amour… 😀
Sources : Ja.Wikipedia (généralités), corporate.co (sondage de 2014)