Si on m’avait demandé de sélectionner une bonne définition pour le peigne, j’aurais choisi celle-ci : “Instrument à dents fines et serrées qui sert à démêler et à lisser la chevelure.” (Robert). Car effectivement, on utilise de nos jours principalement un peigne pour… se peigner. C’est aussi le cas pour le mot japonais 櫛 (kushi) sauf qu’on va voir avec son étymologie qu’au départ, ce n’était pas sa principale fonction.
Étymologie du mot kushi et lien avec la brochette
Le mot kushi est très ancien puisqu’on le retrouve dans les premiers écrits japonais dont notamment le Kojiki (712). Selon plusieurs sources dont le Nihongo gogen jiten (dictionnaire étymologique), sa prononciation viendrait directement du mot 奇し (prononcé kushi ou kusushi) et qui signifiait “mystérieux/étrange”. Au passage, c’est de là aussi que proviendrait 薬 (kusuri “médicament”). Pourquoi un peigne serait étrange ? Eh bien il faut savoir qu’à l’origine, on l’employait avant tout lors de rituels religieux et qu’il avait donc une dimension sacrée.
L’autre élément important à avoir en tête est qu’il était disposé en longueur avec de longues dents. On appelle cela 竪櫛 (tategushi “peigne en longueur”) aujourd’hui et on pense que leur rôle principal était de maintenir les cheveux en place. Voici une illustration assez parlante récupérée ici :
Dans ce cas-là, on peut dire 髪に櫛を挿す (kami ni kushi wo sasu) “insérer un peigne dans ses cheveux”. En voyant le verbe sasu (insérer/planter/piquer), vous avez peut-être pensé à l’autre kushi qu’on écrit 串 en kanji. Il signifie pour sa part “broche/brochette” et le 串焼き (kushiyaki “cuisson à la brochette”) est très répandu au Japon. Ce n’est pas un hasard si ces deux mots ont la même prononciation puisqu’ils partagent la même étymologie, les brochettes ayant aussi servi lors de rituels religieux autrefois. On peut alors citer le 玉串 (tamagushi ou tamakushi), un objet utilisé comme offrande lors d’un rituel shintoïste.
Usage du mot kushi de nos jours
En premier lieu, je tiens à préciser que le kanji 櫛 ne fait pas partie des jôyô kanji et que par conséquent, vous le retrouverez souvent écrit en kana (くし ou クシ). D’autre part, notre verbe sasu s’écrit avec un kanji différent selon que vous parlez de la brochette ou du peigne. Il faudra alors bien faire la distinction entre 串に刺す (kushi ni sasu) “mettre à la broche/embrocher (viande, légumes…)” et くしを挿す (kushi wo sasu) “insérer/mettre un peigne (dans les cheveux)”.
Bon cela dit actuellement, il n’y a plus grand monde au Japon qui se balade avec un peigne dans les cheveux (sauf en cas de cérémonie ou de soirée arrosée). On se peigne avec un peigne et en japonais, cela se dit 髪をくしでとかす (kami wo kushi de tokasu). Ce verbe tokasu n’est pas 溶かす (“faire fondre”) mais 梳かす (“remettre en ordre/peigner”). ಠ▃ಠ
Il existe par ailleurs quelques superstitions avec notre peigne japonais depuis que quelqu’un a eu la bonne idée de l’assimiler à 苦死 (ku-shi “souffrance-mort”). Par exemple, il est déconseillé de ramasser un peigne tombé par terre même si c’est tentant au premier abord (Wikipédia). |ω・`)
Toujours dans le même esprit, si jamais vous désirez offrir un peigne à quelqu’un (oui, ça peut arriver quand on n’a plus d’idées…), il faudra si possible éviter de l’appeler kushi. Préférez alors かんざし (kanzashi) qui correspond normalement à un ornement traditionnel que l’on place dans les cheveux. Il existe également la possibilité 梳かすやつ (tokasu yatsu “le truc qui coiffe”) si vous êtes dans le Kansai même si ça reste moins classe. (◔ڼ◔)
Un petit quiz pour finir ?
Comme il existe quelques expressions usuelles avec kushi, je me suis dit que ça pourrait faire un quiz rigolo. On va voir si vous êtes perspicace oO.