Le japonais dans tous les sens

Kantan (簡単) : c’est simple mais est-ce pour autant facile ?

J’aurais eu envie de commencer cet article par une phrase du type “afin de bien assimiler les mots d’une langue étrangère, encore faut-il bien comprendre la nuance qu’il existe entre ceux de sa propre langue”. Sauf que lorsqu’on parle de termes de la vie courante qui ont une acceptation très large, c’est souvent difficile de trancher. Avec “simple” et “facile”, on peut tout de même dire que l’un est le contraire de “complexe/compliqué” et l’autre de “difficile”.

Ainsi, si on considère que “difficile” inclut les notions de “pénibilité” et “exigence”, il arrive souvent qu’une action simple (réalisable instantanément et d’un trait) soit difficile à accomplir. Par exemple, dire merde à son boss. Bref, ce qui est simple n’est pas toujours facile, on a répondu à la question. Mais quel rapport avec 簡単 (kantan) ?

Analyse du mot kantan et particularités

Kantan s’écrit le plus souvent de nos jours 簡単 et je vais d’abord m’attarder sur le kanji 簡. On peut le décomposer simplement (pour rester dans le thème !) de la manière suivante : partie sémantique 竹 (bambou) + partie phonétique 間 (prononciation kan). Sachant que 簡 signifie principalement “simple/bref”, on peut se demander ce que le bambou vient faire ici. En réalité, ce kanji renvoyait au départ à l’ancêtre des lettres en papier qu’on appelait fuda. Il s’agissait d’inscrire des caractères sur des petites lamelles de bambou que l’on attachait ensuite avec une cordelette. Comme on avait peu de place sur chaque lamelle et qu’il fallait être bref, cela a donné par la suite le sens de “bref/abrégé/simple”.

Concernant le deuxième kanji 単 maintenant, il faut savoir que jusqu’au début du vingtième siècle, on lui préférait plutôt 短 qui se prononce aussi tan. Ce dernier signifiant “court”, il insistait davantage sur la courte durée nécessaire pour réaliser une action. Si 単 (unique/simple) a fini par s’imposer, c’est probablement parce qu’on a utilisé de plus en plus kantan par opposition à fukuzatsu (複雑). Ce dernier signifiant “complexe/compliqué” (複 = multiple/plusieurs), on retrouve donc la même logique que le français simple/complexe. 簡単な作り (kantan na tsukuri) = fabrication simple (grossière et non complexe).

Sauf que comme l’ancienne écriture 簡短 nous le rappelle, il ne faut pas oublier que dans énormément de cas, kantan décrit ce qui est succinct/bref. Par exemple, 簡単なスピーチ (kantan na supîchi) renvoie à un discours court/bref. Il existe aussi le fameux 簡単な食事 (kantan na shokuji) qui correspond souvent à un repas que l’on prépare sur le pouce sans se prendre la tête. Mon dictionnaire japonais-français donne la traduction “repas léger”, ce qui n’est pas forcément vrai (si on fait réchauffer une pizza… ^^).

Différences entre kantan et yasashii

Je pense que pour abréger, on peut associer kantan à “simple” et yasashii (易しい) à “facile”. Car ce dernier insiste davantage sur la facilité relative du contenu et du faible niveau requis. C’est le cas d’un jeu vidéo en mode facile où on ne dit pas non plus “mode simple” en français. On trouvera cependant des contre exemples comme l’expression “c’est facile à dire” qu’on dira plutôt en japonais par 言うのは簡単 (iu no ha kantan). Enfin histoire de vous embrouiller un peu, sachez que le proverbe “c’est plus difficile à dire qu’à faire” possède un équivalent japonais qui est 言うは易く行うは難し (iu ha yasashiku okonau ha katashi). Eh bien oui, comme 難 (difficile) est le contraire de 易 (facile), il fallait bien être cohérent !

Pour conclure, je vais vous exposer deux exemples. Dans le premier, nos deux adjectifs sont interchangeables sans réelle variation de sens. Dans le second, ça se corse un petit peu :

–  批判するだけなら易しい/簡単だ (hihan suru dake nara yasashii/kantan da) : c’est facile/simple de juste critiquer. Vu que n’importe qui peut faire des critiques et qu’il s’agit d’une action réalisable en un temps restreint (sauf dans certains cas évidemment), les deux fonctionnent bien.

–  簡単な/易しい漢字 (kantan na/yasashii kanji) que l’on peut traduire par un “kanji simple/facile” ne se rapportent pas forcément à la même chose. Dans le premier cas, il s’agit plutôt d’un caractère disposant de peu de traits. Par exemple, 兀. Dans le second cas, on pense davantage à un caractère qui peut être lu pas le plus grand nombre. Au hasard 船 (le bateau) qu’on apprend en CE1 au Japon. Je vous laisse chercher ce que signifie 兀. :p

Sources : Kotobank (dictionnaires japonais), Kotowaza-allguide (à propos du proverbe)

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