Le japonais dans tous les sens

Boku shôjo (ボク少女) : une fille qui dit “boku”, et puis quoi encore ?

Après vous avoir cité hier le youtubeur DirtyBiology dans l’article sur kirei, voilà que je tombe ce matin sur une nouvelle vidéo d’un autre Youtubeur que j’apprécie : Linguisticae. Celle-ci s’intitule “Qui des hommes ou des femmes parlent mieux” et à 19:07, il aborde les indicateurs de la personne traditionnellement masculins 俺 (ore) et 僕 (boku). Ce qui m’a fortement étonné, c’est l’affirmation “ils sont de plus en plus utilisés par les femmes” non accompagnée de chiffres et que je n’ai jamais pu observer dans mon quotidien.

Toutefois, il est vrai que des jeunes filles au collège/lycée emploient ces pronoms plutôt masculins. Cela reste marginal (moins de 5%) et on les appelle de nos jours ボク少女 (boku shôjo). Qui sont-elles ?

Analyse du mot boku shôjo et raisons de l’appropriation de boku

Comme son nom l’indique, ボク少女 désigne tout simplement les jeunes filles (少女 shôjo) qui utilisent boku (僕/ボク). C’est le terme le plus courant mais il existe aussi 僕女 (boku onna) ou encore ボクっ娘 (bokukko). Dans la même idée, si la jeune fille en question emploie plutôt ore, on l’appellera alors 俺女/オレっ娘 (ore onna/orekko). Ces termes ont un côté discriminant/moqueur de part leur côté explicite et ils rappellent surtout une certaine réalité : une fille japonaise n’est pas censée employer boku ou ore.

Pourtant, on trouve dés les années 1970 des cas d’utilisation de boku de la part des femmes. On peut par exemple citer les chanteuses comme Matsumoto Chieko (1976). De plus dans la littérature, le célèbre mangaka Tezuka Osamu fit de son héroïne collégienne une boku shôjo dans le manga “l’Enfant aux trois yeux” (1974). Ainsi, selon la psychologue Tomita Takashi, il est possible que l’influence de la subculture ait pu jouer un rôle dans l’appropriation de boku/ore par certaines jeunes filles (imitation).

BGM “boku dake no himitsu”

Celle-ci évoque néanmoins d’autres raisons plus sociétales : ces jeunes filles n’ayant pas envie de ressembler à l’image qu’on se fait de la femme japonaise, elles auraient tendance à employer boku dans l’idée de rejeter cet ancien modèle jugé dépassé. Je ne pense pas qu’on puisse les qualifier de “garçons manqués” sauf si on considère évidemment qu’une femme se doit d’être sage et polie. Selon une étude réalisée en 2009-2010 dans les collèges publics du département de Kanagawa, 1,2% des collégiennes utilisaient boku et 3,8% ore. Va t-on voir ces chiffres augmenter dans les prochaines années ? Linguisticae a t-il raison de penser que les pronoms personnels masculins vont se “neutraliser” à nouveau (pour rappel, ore était aussi employé par les femmes sous Edo) ? Je vous dis ça dans 20 ans ! ^^

Sources : Ja.Wikipedia (généralités et étude de 2009), japan.fandom (histoire)

Articles similaires

3 réponses

  1. Un autre exemple en chanson: 森田童子 (Morita Douji), “ぼくたちの失敗”. (qui date de 1976 aussi)

    Question intéressante: quels pronoms utiliser en groupe? Est-ce que ぼくたち est plus courant que わたしたち? Est-ce qu’une jeune fille japonaise pourrait utiliser わたし, mais ぼくたち avec ses amis?

    1. Bonne question ! 🙂

      Alors selon une étude parue en 2015 (https://www.jstage.jst.go.jp/article/toshikeizai/15/0/15_91/_pdf/-char/ja) que je n’ai pas voulu citer dans cet article (échantillon assez faible de seulement 45 étudiants et 50 étudiantes). Il faut savoir déjà que うち (uchi) a de plus en plus la côte chez les jeunes filles et qu’il dépasse même 私 (watashi) selon l’étude (42% contre 36%). Du coup pour dire “nous”, on emploie le plus souvent うちら (63,3%) suivi de 私たち (20,4%). Le reste est placé dans “autre” (16,3%) et voici la liste : 「しいたち」,「なつきたち」,「われら」,「俺ら」,「僕ら」,「いつめん」,「うちたち」,「ちなたち」,「ちなちゃんたち」. lol.
      Donc oui, l’emploi 俺ら/僕ら existe mais ça doit être une proportion assez faible. J’ai pas trouvé d’autres études malheureusement… :S

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Derniers messages du forum