Le japonais dans tous les sens

Amakudari (天下り) : un pantouflage qui vient des cieux

Pantouflage, en voilà un drôle de mot. Comme le mot “pantoufle” évoque chez moi des chaussons que l’on garde dans sa sphère privée, je pensais que ça désignait une forme de collusion. C’est à dire des personnes qui partageaient gaiement leurs pantoufles lors d’une sorte de soirée pyjama et qui se mettaient d’accord pour nuire à un tiers. Oui, j’ai beaucoup d’imagination ! 😀

En réalité le pantouflage, c’est simplement le fait pour un haut fonctionnaire d’aller travailler dans une société privée. Je ne m’attarderai pas sur l’origine de ce mot (l’article Wikipédia est suffisamment complet) mais par car contre, j’aimerais vous parler de son équivalent japonais : 天下り (amakudari) que j’ai entendu lors de cette conférence passionnante. D’où vient-il et en quoi est-il légèrement différent ?

Origine du mot amakudari et définitions

天下り est très concret puisque c’est littéralement “la descente (下り kudari) des cieux (天 ama)“. Au départ, il s’agissait ainsi d’un terme religieux et qui se rapportait plus précisément au 神道 (Shintô). Il pouvait décrire soit la descente du dieu (par exemple le célèbre Tenson kôrin), soit le dieu en lui-même. C’est peu après la première guerre mondiale qu’on a fini par revisiter ce mot non sans une certaine dérision.

Dans un premier temps, le but principal était de dénoncer un type de pratique. Celle où des individus haut placés (ministres par exemple) se permettaient de donner un ordre à une société privée. C’est dans ce sens qu’on emploie encore de nos jours l’expression 天下り人事 (amakudari jinji) “ordre (divin) venu d’en haut visant à administrer le personnel”. Dans ce genre de cas, il arrivait souvent qu’une personne se retrouve nommée arbitrairement à un poste élevée dans l’entreprise.

Toutefois de nos jours, amakudari se rapporte principalement aux hauts fonctionnaires qui finissent par travailler dans le privé. C’était jusqu’à récemment très institué au Japon et l’argument principal était de laisser la place aux jeunes promus. On plaçait ainsi les anciens en retraite anticipé en leur promettant en retour un bon poste dans le privé.
Je crois que c’est sur ce point que amakudari diffère de pantouflage, le premier étant forcément lié à l’idée de retraite. Par conséquent en théorie, il n’y a pas de rétro-amakudari comme il y a du rétro-pantouflage (fonctionnaire qui part dans le privé pour ensuite revenir dans le public).

La représentation en pyramide est souvent évoquée avec ceux du dessus finissant par être parachutés ailleurs.

Par contre, il y a le phénomène de 渡り鳥 (wataridori “oiseau migrateur”) où un haut fonctionnaire migre entre plusieurs entreprises. 😀
Pour l’anecdote, mon dictionnaire électronique propose la traduction “parachute doré“. Celle-ci est plutôt incorrecte selon moi car elle fait référence à l’éviction “dorée” d’un patron du privé. Mais comme le parachute suggère une descente du ciel, ce n’est pas totalement illogique de parler de parachutage. その高級官僚は民間のトップとして天下りした (sono kôkyû kanryô ha minkan no toppu to shite amakudari shita) : Ce haut fonctionnaire a été parachuté à la tête d’une entreprise privée.

Autres sources : Ja.wikipedia (généralités), Kotobank (dictionnaires japonais)

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